Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/301

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nous perdre… suivons la procession s’il le faut, nous tâcherons de nous échapper plus tard, et peut-être d’arracher ce malheureux à la mort ! 


Le franc-taupin, et son neveu, cédant au torrent, arrivent près des dizainiers ; les fanatiques instruisent ces édiles de l’incident et de leur désir d’envoyer l’hérétique au bûcher. Parmi ces dizainiers, se trouvait par encontre un homme humain ; convaincu que le seul moyen d’arracher la victime à une mort imminente, était de paraître se rendre aux désirs de ces furieux, il leur promet que le luthérien sera mené au bûcher par les deux capucins qui allaient se joindre à la procession au passage des ordres religieux ; puis ce dizainier a le courage, rare en ces temps néfastes, de dire à l’oreille du franc-taupin :

— Mon révérend, je mets la vie de ce malheureux sous votre protection, il n’a été ni jugé, ni condamné… Prenez rang avec lui dans la procession, mais tâchez plus tard de le sauver.

Joséphin fit un signe de tête approbatif et reprit tout haut d’une voix menaçante en se tournant vers le prisonnier, qui, plus mort que vif, se soutenait à peine :

— Viens çà, païen ! blasphémateur de notre sainte mère l’Église catholique… Oh ! tu n’échapperas pas au fagot… Prépare-toi à mourir, et si tu as encore quelque souci de ta méchante âme, je t’entendrai en confession durant le trajet. — Puis s’adressant à Odelin : — Mon frère, prenez le bout de l’écharpe qui lie les bras de ce parpaillot, je prendrai l’autre bout, et nous le mènerons ainsi jusqu’au bûcher, où il expiera sa diabolique luthérie !

À ces mots, les transports d’une joie féroce éclatent parmi les spectateurs. Joséphin et son neveu placent l’hérétique entre eux, forcés de se mêler à la procession, dont les premiers rangs apparaissent en ce moment à peu de distance de la barrière.

Oui, fils de Joel, elle approchait cette procession infâme ! Jamais l’idolâtrie romaine, jamais l’orgueil royal, ne déployèrent de pompes