Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/319

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santie sur le genre de mort qui l’attendait. Mais, épouvantée de l’atrocité inattendue du supplice dont elle allait être victime, elle poussa des cris déchirants, se jeta dans les bras de Marie-la-Catelle, laissa tomber son cierge et sa bible ; le saint livre roula sur des tisons, quelques-uns de ses feuillets commençaient de s’enflammer, l’un des bourreaux le crossa du bout de sa chaussure et le fit voler aux pieds du franc-taupin ; profitant de l’inattention des Mathurins, dont les regards suivaient les condamnés, il se baissa, ramassa la petite bible et la mit dans la poche de son froc… Odelin, pétrifié par la terreur, continuait de regarder… les cris effrayants de sa sœur, se débattant à vingt pas de lui, arrivaient à peine à son oreille, étouffés par le violent bourdonnement des artères de ses tempes ; ce qui se passait autour de lui apparaissait à travers cette brume blafarde où se dessinent confuses les visions fantastiques. Hervé aussi regardait l’agonie de sa sœur ; mais ce monstre, se reprochant un mouvement de pitié, se disait :

— Elle n’a pas été à moi… elle ne sera, elle n’aura été à personne… Oh ! il va mourir comme elle, ce moine renégat qu’elle aimait et que j’abhorre !…

Les cris d’épouvante d’Hêna, que Marie-la-Catelle s’efforçait en vain de calmer, satisfaisaient François Ier et autres ordonnateurs de ce sacrifice humain ; l’héroïque résignation habituelle à la plupart des réformés, dont le fier courage défiait les supplices, devenait d’un fâcheux exemple ; leur vaillance intéressait, ils semblaient impassibles au milieu des tortures… ces exécutions ne frappaient point le populaire d’une terreur suffisante ; mais cette belle jeune fille de dix-sept ans se débattant contre les horreurs de la mort, poussant des cris plaintifs, désespérés, entendus des spectateurs groupés aux fenêtres des maisons de la place du Parvis, devait porter l’effroi dans les âmes… Cette résistance, ces cris, eurent un terme : les bourreaux se jettent sur Hêna Lebrenn, l’enchaînent à l’un des sièges ; les autres patients sont également enchaînés ; quelques fagots avivent la flamme