Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

princesse Marguerite, il se peut que, d’un moment à l’autre, mon logis soit envahi…

— Cela est malheureusement vrai, monsieur, vos ennemis sont acharnés.

— Eh bien, Christian, un homme que j’aime à l’égal d’un frère, un proscrit !… m’a demandé asile, il est ici, caché, depuis hier soir, à chaque instant je tremble que l’on vienne fouiller ma maison et qu’ainsi le refuge de mon ami soit découvert… Il y va de sa vie…

— Grand Dieu ! Ah ! je comprends vos angoisses…

— En cette extrémité, je me suis résolu de m’adresser à vous… j’ai pensé que, votre heureuse obscurité vous épargnant l’espionnage dont je suis poursuivi, vous pourriez peut-être, pendant deux ou trois jours, donner l’hospitalité à mon ami et l’emmener chez vous ce soir même.

— J’y consens de grand cœur !

— Je n’oublierai jamais le service que vous me rendez, — dit maître Robert Estienne en serrant cordialement la main de l’artisan ; — je ne devais pas douter de votre générosité.

— Seulement, monsieur, je dois vous en prévenir, l’asile est aussi humble qu’il est sûr !…

— Ce proscrit est habitué depuis plusieurs mois à secrètement voyager de ville en ville ; plus d’une fois il a passé des nuits au fond des bois, ou des jours dans les ténèbres des caves ; tout refuge lui est bon, pourvu qu’il soit assuré.

— En ce cas, voici ce que je vous propose. Je demeure, vous le savez, sur le pont au Change ; il existe sous le toit de ma maison un galetas, l’on peut à peine s’y tenir debout, mais il est suffisamment aéré par une petite fenêtre s’ouvrant sur la rivière. Demain matin, après l’heure à laquelle nous partons, mon fils et moi, pour nous rendre ici, ma femme, car il me faudra lui confier notre secret ; mais je réponds d’elle comme de moi-même…