Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/114

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sur l’un des bas-côtés de la chapelle : — Venez, mademoiselle… je pourrai vous écouter sans témoin dans ce lieu retiré.

le franc-taupin. — Prince… prince… vous êtes jeune et généreux ! défiez-vous des larmes de crocodile ! Je vous laisse… mon cordelier m’attend !

Anna-Bell se relève avec effort, et, d’un pas chancelant, suit Frantz de Gerolstein au fond de la sacristie. Cette pièce sombre, seulement éclairée par une fenêtre ogivale dont les carreaux ont été brisés, est jonchée de débris de châsses de bois doré. La fille d’honneur se recueille un moment, et, s’adressant au prince d’une voix tremblante :

— Monseigneur, devant Dieu qui m’entend !… voilà la vérité… Hier soir, un peu avant minuit, à l’abbaye de Saint-Séverin, où la reine a séjourné, elle m’a mandée près d’elle, et après m’avoir rappelé ce que je devais à sa générosité ; car… — ajoute Anna-Bell en fondant en larmes, — je suis une créature abandonnée, ramassée par charité sur le pavé des rues…

— Vous ?

— Oui, monseigneur… et cet aveu vous inspirera peut-être pour moi plus de pitié que d’aversion !

— Vous étiez orpheline ?

— Je ne le crois pas… Il me reste un souvenir confus de mes premières années… J’habitais une ville voisine de la mer ; mon père devait être forgeron ou exercer quelque métier de ce genre… mon enfance s’est passée au bruit de l’enclume et du marteau…

— Que dites-vous ? — s’écrie Frantz de Gerolstein avec surprise et réfléchissant. — Vous avez, dans votre enfance, habité un port de mer ? vous entendiez souvent résonner l’enclume et le marteau ?… Quel âge avez-vous ?

— Dix-huit ans, monseigneur.

— À quelle époque avez-vous été séparée de votre famille ?

— L’une des femmes de la reine m’a achetée, il y a environ dix