Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/122

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Le bourg de Saint-Yrieix, récemment tombé au pouvoir des huguenots, après avoir été tellement saccagé par les royalistes, que le petit nombre d’habitants échappés au massacre de la population s’étaient enfuis sans oser reparaître ; le bourg de Saint-Yrieix formait le centre du camp retranché occupé par l’armée de l’amiral de Coligny. Inflexible sur la discipline, il maintenait parmi les troupes placées sous son commandement immédiat un ordre rigoureux ; jamais de pillage, jamais de maraude ; ses soldats payaient tout ce qu’ils demandaient aux gens des cités ou des campagnes ; bien plus, si d’aventure les paysans, effrayés à l’approche des gens de guerre, quittaient momentanément leur village, les officiers laissaient dans les maisons, par ordre de M. de Coligny, le prix des denrées, des fourrages dont s’approvisionnaient les soldats en l’absence des maîtres du logis ; enfin, exemple nécessaire et terrible : tout pillard surpris, par ses chefs, en flagrant délit de vol, était impitoyablement pendu ; l’on attachait à ses pieds les objets larronnés par lui. Jamais non plus l’on ne voyait dans le camp huguenot ces essaims de femmes de mauvaise vie qui encombraient d’ordinaire les bagages de l’armée catholique, placées, selon l’antique usage, sous la surveillance du roi des Ribauds, et dépassant le nombre des moines dont les troupes étaient suivies. Généralement les mœurs des protestants du corps d’armée de M. de Coligny étaient pieuses, austères et probes ; mais il ne pouvait imposer une discipline rigide aux bandes nombreuses qui parfois se ralliaient temporairement à lui, et qui, d’habitude, se livrant à une guerre de partisans, rivalisaient alors de rapine et de cruauté avec les royalistes.

L’amiral, les princes d’Orange, de Nassau et de Gerolstein, le fils du prince de Condé, assassiné par ordre du duc d’Anjou, le jeune Henri de Béarn et autres principaux chefs protestants, demeuraient dans quelques maisons de Saint-Yrieix, moins ravagées que les autres ; l’ancien prieuré était occupé par M. de Coligny. Au point du jour il avait, selon sa coutume, quitté sa chambre accompagné de