Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/129

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ennemi… ce pauvre garçon m’a supplié ce matin de le désigner pour vous accompagner aujourd’hui s’il y avait quelque engagement.

— Dominique est un digne serviteur ; son retour m’a fait plaisir.

— Comment Dominique ne serait-il pas honnête homme ? élevé chez vous, monsieur, et fils d’un de vos anciens serviteurs, ce brave forestier de vos bois de Châtillon ?

— Ah ! ma pauvre maison de Châtillon, mes prés, mes bois, mes vignes, mes guérets, mes bons laboureurs ! vous reverrai-je jamais ? — dit M. de Coligny avec un soupir mélancolique. — Ah ! la vie des champs ! la vie de famille !… — Et après un moment de silence recueilli, il ajoute : — Laisse-moi ; j’ai à écrire.

— Monsieur l’amiral, — dit l’écuyer en se retirant, — n’oubliez pas votre promesse.

— Quelle promesse ?

— Comment, monsieur, elle est déjà oubliée ?… Mais l’eau de chicorée, diantre ! l’eau de chicorée !

— Tout sera bu avant une heure ; tu viendras t’en assurer par toi-même… Es-tu satisfait ?

— Oui, monsieur. Nonobstant, je reviendrai, s’il vous plaît, avant une heure pour m’assurer que le pot est vide.

L’écuyer sorti, M. de Coligny se dirige lentement vers la table, s’assoit, appuie son front dans sa main, reste longtemps rêveur et se dit : — Pourquoi cette pensée m’est-elle venue plutôt aujourd’hui qu’un autre jour ? Je ne sais ; Dieu me l’inspire, suivons-la… Il est bon, à tout hasard, de se mettre en règle avec le ciel ; puis il me faut bien répondre devant Dieu et devant les hommes aux accusations portées contre moi ; il me faut bien répondre à cette sentence capitale et infamante dont moi et les miens sommes frappés… — Et, prenant un papier sur la table, l’amiral lit ce qui suit : « Comme principal auteur et conducteur de la conspiration et rébellion faites contre le roi et son État, ledit sieur de Coligny est condamné à être pendu et étranglé en place de Grève, pour être ensuite porté et