Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/14

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évangélique, Calvin y dominait ; malheureusement, il entacha pour jamais sa mémoire par le meurtre juridique de Servet. Oui, Calvin, le fondateur de la réforme en France, Calvin, l’éloquent défenseur de la liberté de conscience, envoya Servet au bûcher parce qu’il différait avec lui sur quelques points de doctrine. — En 1558 (15 février), Paul IV publie une bulle, souscrite par tous les cardinaux, renouvelant les arrêts sanguinaires des conciles contre les protestants ; cette bulle déclarait en outre : « Que tous prélats, princes, rois ou empereurs qui tomberaient dans l’hérésie, ou pactiseraient avec elle, seraient privés de leurs bénéfices, États, royaumes, empires, lesquels seraient dévolus au premier occupant catholique. » Inspirée au saint-siège par la compagnie de Jésus, cette menace d’interdiction, planant sur les rois rebelles aux exigences de l’Église de Rome, pouvait et devait un jour ouvrir aux Guises, descendants de Charlemagne, la perspective du trône de France. — En 1559, ligue entre Philippe II et Henri II pour l’extermination de l’hérésie. Le pape impose à Henri II, par l’entremise des Guises, l’établissement de l’Inquisition en France ; ce roi s’empressa d’obéir, comptant sur le servilisme ordinaire du Parlement pour l’enregistrement de l’édit ; mais il comptait sans la cupidité du plus grand nombre et sans les honorables scrupules de la minorité des membres de cette cour. La plupart d’entre eux, se partageant les dépouilles des protestants, regimbèrent à la pensée d’abandonner ce lucre aux inquisiteurs, désormais chargés d’instruire les procès touchant la foi ; donc le Parlement refusa d’enregistrer l’édit promulguant l’établissement de l’Inquisition en France ; et Anne Dubourg, l’un des rares honnêtes gens de cette assemblée, répondit courageusement : « — Je vois commettre tous les jours des crimes impunis, des adultères, d’horribles débauches, des meurtres, et l’on invente chaque jour de nouveaux supplices contre de prétendus hérétiques à qui l’on ne peut reprocher nul méfait. » — Dufour, autre honnête et courageux parlementaire, répondit au roi Henri II, qui s’était rendu au Parlement afin de l’in-