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lorsque Antonicq, porteur des ordres de l’amiral, arriva au galop de son cheval devant le front de cette troupe. Les uns, gens des campagnes, portaient l’antique vêtement gaulois : la saie flottante, les braies sanglées aux reins par une ceinture et le bonnet de laine ; les autres, artisans ou bourgeois des cités, portaient des chausses larges et le pourpoint recouvert du corselet, de la bourguignote, de la brigandine, du jaque de mailles ou d’autres armes défensives dont chacun se munissait à son gré. Les coiffures offraient un aspect aussi varié : casques, morions, bassinets, salades, chapeaux clabauds, protégés par deux cercles de fer croisés. Les armes offensives n’étaient pas moins diverses : lances, piques, hallebardes, épieux, antiques arbalètes à croc, vieilles épées à deux mains de quatre pieds de longueur, masses de fer, coutelas, arquebuses de chasse, arquebuses de guerre, pistolets ; quelques bûcherons, quelques laboureurs s’armaient d’une cognée ou d’une faux emmanchée à revers. Le seul signe uniforme commun à tous était un brassard ou une ceinture d’étoffe blanche. Ces hommes, d’une apparence peu militaire et presque toujours incomplètement armés, montraient cependant tant d’élan, tant d’ardeur à la guerre, que lorsque, obéissant à la voix d’un chef expérimenté, ils refrénaient leur valeureuse audace et la subordonnaient à la discipline, à la tactique, ils culbutaient les meilleures troupes royales façonnées par une longue discipline.

Le colonel de Plouernel, armé à la reître, casque noir, cuirasse noire et casaque blanche, montait une vigoureuse cavale bretonne d’un bai doré, caparaçonnée d’écarlate. Lorsque Antonicq s’approcha de lui, il s’entretenait avec plusieurs officiers de son régiment ; parmi eux se trouvait un pasteur nommé Féron, jeune homme d’une rare énergie, d’une figure austère et résolue. Souvent, ainsi que beaucoup d’autres ministres de la religion reformée, il marchait au combat à la tête des troupes, chantant des psaumes, ainsi que les bardes des Gaules précédaient les guerriers en chantant leurs héroïques bardits ; le pasteur Féron, blessé plusieurs fois, inspirait aux protestants au-