Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/191

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mariage eût lieu selon le rite protestant et fût béni par un pasteur.

« — Qu’à cela ne tienne, ma chère grand-tante, — répond Charles IX à Jeanne d’Albret, — nous obtiendrons de Rome des dispenses ; et si M. le pape faisait trop la bête et refusait ces dispenses à ma sœur, je prendrais moi-même Margot par la main et j’irais la marier en plein prêche[1]. »

Ces mots effacent tout soupçon de l’esprit de Jeanne d’Albret ; les conditions du mariage arrêtées, elle se décide à mander son fils à Paris ; son cousin Condé ne pouvait manquer de l’accompagner. L’Italienne tenait donc déjà dans la nasse homicide Coligny, Jeanne d’Albret, son fils et le prince de Condé. C’était beaucoup, ce n’était pas tout : il fallait encore attirer à Paris les principaux chefs protestants ; les fêtes du mariage conciliateur devaient être une amorce certaine. L’amiral cependant commençait de s’étonner des atermoiements continuels que lui opposait Charles IX au sujet de l’envoi convenu d’une armée dans les Pays-Bas afin d’y faire éclater et de soutenir la révolte de ces provinces contre l’Espagne ; mais selon Catherine et son fils, ces événements devant amener une rupture ouverte avec Philippe II, il fallait ne pas être pris au dépourvu par cette guerre et s’y préparer. Néanmoins, afin de ne point éveiller les défiances de Coligny, il fut convenu que M. de Lanoüe passerait dans les Pays-Bas à la tête de quelques troupes réunies à petit bruit sur la frontière, et tenterait un coup de main sur Mons ; en cas de réussite et si les Pays-Bas se soulevaient à cette agression, Coligny marcherait à la tête de l’armée, sinon l’on attendrait une occasion plus opportune. La mort subite de Jeanne d’Albret, le 9 juin 1572, attribuée au poison par les uns, à une pleurésie par les autres, parut d’un sinistre augure ; cependant Henri de Béarn ne quitta pas Paris, ne renonça pas à son mariage avec la princesse Marguerite, fixé d’abord au 15 août. La mort de Jeanne d’Albret, que l’on crût ou non à son

  1. Registre-Journal de l’Étoile, supplément, p. 24.