Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/203

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de sa sécurité en engageant les protestants à rendre au roi, avant le terme fixé par l’édit, les villes de refuge dont ils étaient maîtres ?

— Sœur… sœur ! — répond le capitaine Mirant, — je me féliciterai toujours d’avoir été, dans le conseil des échevins, l’un des plus opposés à la reddition de La Rochelle ! Grâce à Dieu, cette place forte nous est restée ; nous y sommes du moins en sûreté… Je crains que la loyauté de l’amiral ne soit dupe des noires trahisons de l’Italienne !

— Ah ! j’attends avec une double impatience le retour de mon mari ! — dit Thérèse Rennepont en soupirant. — Il aura vu M. de Coligny, il lui aura exprimé les défiances, les craintes des Rochelois, et nous saurons du moins avec certitude si nous devons craindre ou nous rassurer !

— Est-ce donc vivre que cela ? — s’écrie le capitaine Mirant. — Quoi ! nous, gens de bien, toujours en alarmes comme des criminels ! toujours la défiance au cœur ! toujours l’oreille au guet, la main sur l’épée ! D’où naissent ces inquiétudes mortelles ? De ce que, malgré nos vieilles franchises municipales, malgré les remparts de notre ville, nous sommes, après tout, sujets du roi au lieu de nous appartenir à nous-mêmes, ainsi que les cantons suisses, librement fédérés en république ! Ô liberté ! liberté ! verrons-nous jamais ton règne parmi nous ?

— Oui, — reprend Antonicq, — oui, nous le verrions, ce beau règne, si ces admirables sentiments de la Boétie pénétraient toutes les âmes… Écoutez encore, écoutez :

« Ah ! liberté ! bien si grand, si plaisant, que, elle perdue, tous les maux viennent à la file, et les biens mêmes qui demeurent après elle perdent entièrement leur goût et saveur, corrompus par la servitude ! La seule liberté, les hommes ne la désirent point, non pour autre raison (ce semble) que s’ils la désiraient, ils l’auraient ! On dirait qu’ils refusent cette belle conquête seulement parce qu’elle est trop aisée ! Les bêtes (ce m’aid’Dieu), si les hommes