Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/214

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— Cornélie, l’heure des sacrifices est venue… — répond Antonicq d’une voix profondément émue ; — mon courage égalera le tien…

— Nous avons payé tribut à la faiblesse humaine, — reprend la veuve d’Odelin en étouffant un soupir ; — envisageons sans défaillir la grandeur du désastre qui frappé la sainte cause… Louis, nous écoutons votre récit de la nuit de la Saint-Barthélemy.

— Lors de mon départ pour Paris, au commencement de ce mois, j’ai voulu, en passant à Poitiers, à Angers, à Orléans, visiter dans ces villes plusieurs pasteurs, afin de savoir s’ils partageaient nos inquiétudes ; je trouvai les uns complètement rassurés par la loyale exécution du dernier édit, et surtout par la certitude du mariage de Henri de Béarn avec la sœur de Charles IX, gage irrécusable des bonnes résolutions de ce prince et de la fin des discordes religieuses ; d’autres pasteurs, au contraire, ressentaient de vagues alarmes : ne doutant pas que Jeanne d’Albret n’eût été empoisonnée par Catherine de Médicis, ils voyaient non sans crainte la confiance téméraire de l’amiral de Coligny envers la cour. Somme toute, la majorité de nos frères étaient remplis de sécurité. À peine arrivé à Paris, je me rendis aussitôt rue de Béthisy, chez M. de Coligny ; je lui expliquai les craintes des Rochelois sur les dangers que pouvait courir sa vie, si précieuse à la cause, et leur défiance insurmontable au sujet de Charles IX et de sa mère ; telle fut la réponse de M. l’amiral :

« — Mon ami, l’unique motif qui me retienne à la cour est l’espoir à peu près certain que les Flandres et les Pays-Bas se soulèveront enfin contre la sanglante tyrannie de Philippe II. L’appui de la France peut seul assurer le succès de ce soulèvement. Si ces riches et industrieuses provinces, presque entièrement protestantes, se détachent de l’Espagne, elles seront pour nos frères leur terre promise ; ils trouveront ainsi un refuge, non plus, comme aujourd’hui, derrière les remparts de quelques villes de sûreté trop peu