Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/220

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main… — Mais Louis Rennepont, s’interrompant : — Pardon, ma mère, — dit-il à Marcienne, qu’il appelait ainsi depuis son mariage avec Thérèse, — je voudrais mettre un peu d’ordre dans ce récit… et ma tête se trouble dans une confusion d’horribles souvenirs…

Louis Rennepont se recueillit pendant un moment au milieu du morne silence de sa famille consternée ; puis, ayant relié le fil de ses pensées, il poursuivit ainsi, s’adressant à la veuve d’Odelin Lebrenn :

— Vous me demandez, ma mère, si les Guises étaient complices du meurtre tenté sur M. de Coligny ? Oui, ils avaient trempé dans ce nouveau forfait, à l’instigation de la reine-mère… Et ici se déroule une trame dont la noire scélératesse semblerait incroyable, si l’on ne connaissait Catherine de Médicis et son fils. Je vous dirai plus tard de qui je tiens ces faits, dont il est impossible de douter. La reine, ainsi que nous l’a révélé sa conversation avec le jésuite Lefèvre, conversation surprise par la pauvre Anna-Bell, haïssait et redoutait autant les Guises que l’amiral. Elle songea donc d’abord à faire assassiner M. de Coligny par les Guises, à se défaire ensuite de ceux-ci par les protestants, et enfin à se défaire des protestants par les soldats du roi. Cette infernale combinaison vous semble impraticable ? Cependant elle faillit réussir. Voici comment : les Guises continuaient de calomnier M. l’amiral en l’accusant d’avoir soudoyé Poltrot, qui tua François de Guise, lors du siège d’Orléans, et leur haine de famille demeurait aussi implacable qu’autrefois. La surveille du mariage de Henri de Béarn, la reine et son fils Charles IX dirent benoîtement au jeune Henri de Guise qu’il devrait, afin d’augmenter la sécurité des huguenots et celle de M. de Coligny, lui donner en apparence un gage de réconciliation, lui demander l’oubli des haines si longtemps vivaces entre leurs familles, et lui tendre amicalement la main ; de sorte que l’amiral, rassuré par cette avance cordiale, se tiendrait de moins en moins sur ses gardes, et il serait alors très-facile de le faire assassiner !… La reine offrait pour cela…