Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/263

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exaltation farouche. — Mieux vaut mourir d’une balle royaliste que de crever de faim ! Marchons à la mort !

— Elle a tort ! — s’écria Morisson, — elle a tort ! elle n’écoute que le désespoir ! et il ne faut pas désespérer ! nous attendons d’heure en heure les brigantins du capitaine Mirant ; ils rapportent d’Angleterre un chargement de poudre, et de Bretagne un chargement de blé ; ils sont mouillés à huit lieues d’ici sur la côte, au havre de Redon ; ils ne peuvent, faute d’un vent favorable, cingler vers notre port ; il y a cent chances sur une pour que la brise régnante depuis plusieurs jours change d’un moment à l’autre, tout à l’heure peut-être… En ce cas, la ville est approvisionnée de munitions et de blé, car le capitaine Mirant a promis que, coûte que coûte, il entrerait dans la baie et forcerait la passe malgré le feu des batteries ennemies ; le capitaine est homme de parole, vous le connaissez ?

— Oui ! — répondit la Bombarde, — c’est le plus hardi marin de La Rochelle ; nous le connaissons, et aussi sa fille Cornélie ; elle était des nôtres et des premières avec la veuve d’Odelin Lebrenn, lorsque nous avons essayé d’incendier le vaisseau royaliste à la marée basse… et…

— Mes enfants ! — s’écria soudain Morisson, interrompant la Bombarde, frappé d’une idée soudaine, — il nous reste une ressource précieuse, jusqu’ici négligée ; vous m’y faites songer en me parlant de la plage !

— Quelle ressource ? — crièrent plusieurs voix, — quelle ressource, maire ?

— La voici, — répondit Morisson. — Lorsque, au moment du reflux, la mer se retire de la grève que vous avez traversée pour aller vaillamment incendier le vaisseau coulé à fond par les catholiques, la mer laisse sur le sable et les rochers une énorme quantité de coquillages très-nourrissants, très-salubres, et qu’avant le siège on venait acheter ici de plusieurs lieues à la ronde…