Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/266

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depuis longtemps tous ses moyens d’attaque, formait un angle très-saillant ; ses flancs n’étaient pas suffisamment protégés par d’autres ouvrages fortifiés ; aussi l’ennemi, dirigeant sur le flanc gauche de ce bastion le feu de ses deux principales batteries, avait, sous le choc réitéré des boulets, ouvert une brèche dans le rempart, dont la bâtisse supérieure s’étant, sur une largeur de cinquante pieds environ, écroulée au fond du fossé d’enceinte, le comblait à peu près en cet endroit, et rendait ainsi l’assaut praticable, les assiégeants pouvant, grâce à cet amas de décombres qui leur servait de pont, traverser le fossé, presque de plain pied, escalader les dernières assises de la muraille en ruines et pénétrer dans la ville, si toutefois ils refoulaient devant eux les défenseurs de la brèche. Du haut du bastion de l’Évangile l’on dominait au loin la plaine, l’on apercevait, à une portée de canon, l’immense ligne de circonvallation des royalistes, commençant au faubourg Saint-Éloi, limite des marais salants, et finissant au faubourg du Colombier. Cette ligne cernait complètement La Rochelle du côté de la campagne, coupait les routes de Limoges et de Nantes, à l’angle desquelles étaient établies les batteries dont le feu avait ouvert la brèche du bastion. Tout le terrain compris entre la tranchée des assiégeants et les fortifications de la ville, jadis couvert d’arbres et de maisons, était découvert, dénudé, dévasté, profondément labouré par les projectiles. Au-delà s’étendaient les retranchements de l’ennemi, élevés en terre, renforcés de gabions, de fascines et çà et là crénelés par les nombreuses embrasures de leurs batteries ; puis, derrière cette ligne de travaux, l’on voyait le faite des tentes des officiers, surmontées de banderoles et de pennons flottants. Enfin, à l’extrême horizon ondulaient des collines boisées. La brèche pratiquée, les catholiques avaient suspendu leur feu pour le rouvrir peu de temps avant de monter à l’assaut. C’est au retentissement de cette canonnade, annonçant une attaque imminente et décisive, que le vieux pasteur traversa la place de l’Hôtel de ville, à la tête d’un grand nombre de Rocheloises, recruta la Bombarde et ses compagnes,