Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meilleurs capitaines de l’armée royale et l’un des assassins de Coligny. M. de Cosseins venait de tomber, lorsque maître Barbot crie aux Rocheloises chargées de la manœuvre de l’Encensoir : — Tôt, tôt, mes filles… servez chaud les catholiques ! — Et s’adressant ensuite aux autres femmes chargées de faire rouler sur l’ennemi des pierres et des tonneaux remplis de sable : — Hardi, mes vaillantes ! poussez dru aux royalistes !… — Aussitôt des flots d’huile, de bitume et de soufre incandescents pleuvent, lancés par l’Encensoir en une nappe de flamme sur les premiers rangs des assaillants ; ils reculent, culbutent ceux qui les suivent et poussent des hurlements de damnés : chaque goutte de cette averse embrasée troue la chair jusqu’à l’os. Au même instant, des blocs de pierres énormes, des tonnes remplies de sable, roulent rapides, irrésistibles, sur la pente de la brèche, renversent, brisent, écrasent, broient tout ce qui se trouve sur leur passage. À cette défense meurtrière se joint le feu terrible et presque à bout portant des arquebusiers embusqués dans les casemates. Pourtant les royalistes, décimés, écharpés, poursuivent l’assaut avec un courage héroïque ; ils touchent enfin au chemin de ronde. Là cessent les arquebusades et s’engage une mêlée furieuse à l’arme blanche, lutte corps à corps, acharnée, sans merci, sans pitié. Les Rocheloises, parmi lesquelles Cornélie, armée du fourgon de fer de l’Encensoir et la Bombarde, armée de son harpon, rivalisent d’outre-vaillance ; les Rocheloises se mêlent aux combattants et font rage, en vraies filles de ces viriles Gauloises aux bras blancs et forts, qui bataillaient si hardiment contre les soldats de Jules César. Par deux fois, le colonel de Plouernel, le capitaine Normand, l’échevin Gargouillaud, maître Barbot, Antonicq Lebrenn, Louis Rennepont, et tant d’autres, ont repoussé les catholiques au-delà de la brèche ; deux fois les catholiques, supérieurs en nombre, malgré leurs pertes, repoussent les Rochelois sur le terre-plein du rempart. Soudain accourt à leur aide le maire Morisson, à la tête d’une grosse troupe de citoyens, qui venaient de victorieusement résister à la diversion ten-