Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/52

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diane de sauveterre. — Voyons, Berthe, dis-nous vite ces vers ; la reine peut nous mander d’un moment à l’autre pour son coucher.

berthe de verceil, montrant à ses compagnes Anna-Bell silencieuse et absorbée, leur dit à demi-voix. — Décidément, cette petite est amoureuse, et sottement amoureuse ; les oreilles ne lui dressent point à ce joli mot de pasquil ! divine friandise d’esprit et de méchanceté, dont le sel vaut cent fois le sucre des dragées.

clorinde de vaucernay. — Je gage qu’elle rêve toute éveillée à ce prince allemand dont elle parle en dormant… Quel indiscret que le sommeil ! Pauvre fille, elle croit son secret bien gardé !

diane de sauveterre. — Berthe, les pasquils ! les pasquils ! je brûle d’envie de les entendre.

berthe de verceil. — À tout seigneur tout honneur… commençons par notre bonne dame la reine. (Elle lit.)

« L’on demande la ressemblance
» De Catherine et Jésabel,
» L’une ruine d’Israël,
» L’autre ruine de la France ;
» L’une est d’une malice extrême,
» L’autre est la malice même.
» Enfin le jugement fut tel
» Par une vengeance divine :
» Les chiens mangèrent Jésabel,
» La charogne de Catherine
» Sera différente en ce point,
» C’est que les chiens n’en voudront point[1]. »

Les filles d’honneur rient aux éclats ; Anna-Bell, toujours pensive et retirée à l’écart près de la croisée ouverte, laisse son regard errer dans l’espace et reste étrangère à l’hilarité de ses compagnes ; elle n’a prêté aucune attention à la lecture des vers.

clorinde de vaucernay. — Vous verrez que, supposant notre bonne dame Catherine capable d’avoir avalé par mégarde quelque dragée destinée à l’une de ses victimes, ces fripons de chiens craindront que

  1. Registre-Journal de l’Étoile, p. 28.