Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/6

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La Rochelle, mon père eut de ce mariage trois enfants : Thérèse, née en 1546 ; moi, Antonicq, né en 1549, et Marguerite, née en 1551. J’embrassai la profession de mon père ; il avait, après la mort de maître Raimbaud, décédé veuf et sans héritiers, succédé à son commerce d’armurerie. Il y a environ quatre ans, le malheur des temps conduisit à La Rochelle, où, ainsi que tant d’autres protestants, il venait chercher un refuge, Louis Rennepont, neveu de frère Saint-Ernest-Martyr, fiancé d’Hêna, et brûlé comme elle le 21 janvier 1535. Louis Rennepont, lorsqu’il eut l’âge de raison, instruit par son père du supplice du moine augustin, prit en horreur la religion romaine, au nom de laquelle se commettaient tant d’atrocités, et après la mort de son père, il entra dans le sein de l’Église évangélique ; avocat au parlement de Paris et décrété d’accusation, il échappa au bûcher en fuyant à La Rochelle. Un jour, passant sur le quai devant notre maison, l’enseigne de mon père : — Odelin Lebrenn, armurier, — le frappa en lui rappelant la douloureuse histoire de frère Saint-Ernest-Martyr ; il entra dans notre demeure afin de s’informer si nous étions parents d’Hêna Lebrenn, et apprit ainsi qu’elle avait été mariée à son oncle par un pasteur réformé. Louis Rennepont, presque notre parent, fut en cette qualité accueilli dans notre famille ; bientôt, touché de la grâce et des rares qualités de ma sœur Thérèse, il l’aima ; son amour fut partagé. C’était un jeune homme de noble cœur, d’un caractère élevé, sage, modeste, laborieux ; dépouillé de son patrimoine par sa condamnation comme hérétique, il gagnait honorablement sa vie à La Rochelle en exerçant sa profession d’avocat. Mon père apprécia le mérite de Louis Rennepont, lui accorda ma sœur Thérèse ; mariés en 1568, leur bonheur justifie les espérances de mon père. Ma plus jeune sœur, Marguerite, a disparu de la maison paternelle à l’âge de huit ans ; telles sont les circonstances mystérieuses de cette disparition : mon père, depuis son établissement à La Rochelle, éprouvait le plus vif désir de nous conduire, ma mère, mes sœurs et moi, en Bretagne, afin d’y accomplir une sorte de pieux pèlerinage, en nous