Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/95

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fait soigneusement élever dans l’art de plaire et de charmer, seule éducation qui convînt à une femme destinée à séduire, puis je t’ai placée parmi mes filles d’honneur.

— Je sais ce que je dois à Votre Majesté… Aussi lorsqu’elle a commandé, j’ai obéi, quoi qu’il m’en ait coûté…

— Tu fais allusion à la conversion du marquis de Solange ?

— Madame…

— Il est vrai, je t’ai dit : Solange est huguenot, puissant dans sa province ; si la guerre se rallume, il peut devenir pour moi un dangereux ennemi ; il se propose de quitter la cour… retiens-le… rends-le follement épris de toi… obtiens de lui qu’il renonce à l’hérésie, qu’il reste parmi nous, quand tu devrais pour cela te…

— Madame… oh ! madame… — Anna-Bell n’achève pas ; elle cache dans ses mains son visage pourpre de honte.

Catherine de Médicis, sans paraître remarquer la douloureuse confusion de la jeune fille, poursuit ainsi : — Enfin, grâce à toi, Solange est devenu… excellent catholique et l’un de mes plus fidèles serviteurs. En cette occurrence, tu m’as témoigné de ton entier dévouement, je l’apprécie très-haut, loin de songer à l’amoindrir, en ajoutant que Solange est, après tout, un gentilhomme accompli, jeune, beau, brave, spirituel, et que les plus charmantes de ma cour t’envient ce galant… Non, non, je te sais autant gré d’avoir séduit le marquis que si tu avais dû te sacrifier à quelque vieil huguenot, le plus laid, le plus âpre, le plus renfrogné qui eût jamais nasillé un prêche dans Israël. Or, afin de te prouver, mignonne, combien je reste encore ton obligée… je veux te marier.

— Moi ?

— Je veux te faire princesse…

— Madame…

— Je veux satisfaire le désir le plus ardent, le plus secret de ton cœur…

— Je ne sais… ce… que Votre Majesté…