Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/173

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Il n’est, après tout, coupable que de faiblesse ou de trop de bonté.

le cardinal. — Enfin, madame, que voulez-vous donc qu’on en fasse, du roi, notre maître ?

victoria. — Jadis on enfermait les rois fainéants au fond d’un cloître… Forcez Louis XVI d’abdiquer ; le dauphin est enfant, vous constituerez un conseil de régence, composé d’hommes inflexibles, capables d’imposer à la France un joug de fer. M. le comte d’Artois sera régent par droit de naissance. Ce prince frivole manque d’idées, manque de vues, mais il est brave, dit-on, et possédé de haine contre la révolution ; bien guidé, il agira bien. Ceci fait, frappez sans pitié, sans relâche, frappez coup sur coup le mauvais peuple ; il a trop de sang, il lui monte à la tête et lui donne une énergie factice. Saignez donc, saignez à blanc, s’il le faut pour l’abattre et le dompter, cet animal féroce !! Rappelez-vous ces paroles du maréchal de Tavannes durant la Saint-Barthélemy : « — Saignez… saignez… la saignée est bonne en août. » Or, le remède est de tout point applicable, messieurs… ne sommes-nous pas en juillet ?

Victoria prononce ces mots avec un accent de cruauté froide qui fait frémir quelques-uns des convives de M. de Plouernel, mais qui exalte chez le plus grand nombre jusqu’à la frénésie leur haine contre-révolutionnaire.

l’abbé morlet, à part soi. — Décidément, la marquise est sincère… Il serait impossible à elle de dissimuler à ce point…

le comte de plouernel. — Ah ! marquise, vous êtes le bon ange, ou plutôt le redoutable archange qui, de sa flamboyante épée, doit défendre la monarchie et la noblesse… Oui, là est le salut… L’abdication du roi et un conseil de régence, composé d’hommes inflexibles… qui fasse saigner à blanc ce peuple sauvage et indompté… lui seul est à craindre !

victoria. — Non, non, là n’est pas votre plus dangereux ennemi… Le redoutable ennemi… c’est le tiers état ! Cette insolente bourgeoisie ne vous a-t elle pas dit, par l’organe de Sieyès, que jus-