Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/192

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temps à autre, ses yeux se promènent sur les portraits. M. de Plouernel, étonné du long silence de la marquise, et suivant la direction de son regard, dit avec un accent de surprise et d’une voix passionnée :

— D’où vient que vous ne me répondez pas, Victoria… lorsque je vous parle de mon amour ? Savez-vous que je serai jaloux de mes ancêtres… car depuis quelques instants, ce me semble, ils sont assez heureux pour absorber toute votre attention…

— C’est vrai, comte… Je réfléchissais à l’illustration de votre race… et de cette antique et glorieuse origine j’étais fière pour vous… j’allais dire… fière pour moi…

— Ah ! Victoria… ces paroles…

— … Vous prouvent, comte… ce que j’attends de vous : plus que tout autre gentilhomme vous êtes engagé par cette fière devise des hommes de votre race : Noblesse oblige

— Et ajoutez… Amour oblige… lorsqu’une vaillante femme inspire cet amour… et peut-être le partage…

— Oui… comte… cet amour, je le partage… — répond Victoria d’une voix à la fois tendre et contenue, — cet amour m’enorgueillit… je le sens placé à la hauteur de mon cœur… mon influence sur vous est salutaire… est généreuse… Elles sont si glorieuses, les destinées que je rêve pour vous !! Défendre, raffermir cette antique monarchie fondée, par la victorieuse épée de vos ancêtres ! — Et attachant de nouveau ses regards sur les portraits, la jeune femme ajoute : — Il me semble qu’en ce moment solennel… vos aïeux vous contemplent avec un légitime orgueil…

— C’est vous, Victoria… c’est vous qu’ils contemplent avec admiration… avec reconnaissance… car vous avez exalté en moi, jusqu’à l’héroïsme, le sentiment de mes devoirs envers la royauté audacieusement attaquée par cette vile race conquise, asservie par mes pères et toujours rebelle…

— Pourquoi donc ce cadre que je vois là-bas, comte, est-il voilé d’un crêpe noir ?