Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous un parent, un ami, — répond Jean non moins cordialement que le prince ; — oui, de notre rencontre je suis heureux, je suis fier… car le hasard vous a fait de race souveraine… et vous combattez pour l’affranchissement du peuple…

— Avant d’être prince, mon cher Jean… je suis comme vous, fils de Joël-le-Brenn de la tribu de Karnak, notre glorieux aïeul, l’un des plus hardis défenseurs de l’indépendance des Gaules fédérées, lors de l’invasion romaine ! Plus d’une fois, à travers les âges, l’ardeur républicaine de ce vieux sang gaulois s’est réveillée dans ma race plébéienne… quoique un jeu bizarre et moqueur de la destinée l’ait affublée d’une souveraineté…

— Oui, oui, nous sommes bien du même sang ; vos discours, vos actes le prouvent ! — dit le vieil aveugle touché des paroles du prince. — Votre main… de grâce… votre main, que je la serre aussi, généreux et brave jeune homme !

Frantz fait un pas au-devant de M. Lebrenn, prend l’une de ses mains, la porte respectueusement à ses lèvres en s’inclinant devant le vieillard, et lui dit d’une voix pénétrée d’un respect filial :

— Je suis profondément sensible, monsieur Lebrenn, à ces marques de bonté toute paternelle… c’est pour moi une consolation des rigueurs de mon père : il m’a banni de sa présence et de sa principauté.

— D’une pareille sévérité quelle est donc la cause ? — reprend le vieillard surpris. — Quel a donc été votre crime ?…

— Mon crime ?… — répond Frantz avec un demi-sourire, — mon crime a été de me soucier assez peu de notre souveraineté, tandis que mon père est, au contraire, très-sérieusement coiffé de sa couronne grand’ducale, parle gravement de ses États de… trente lieues carrées… dit : Mes cousins, lorsqu’il parle des rois de l’Europe, et se croit enfin solidaire des craintes, des haines, des menaces que les premiers grondements de la révolution inspirent aux grandes monarchies. En vain parfois disais-je à mon père, essayant de