Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/287

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de l’autorisation qu’il daigne m’accorder, — dit M. Hubert avec un ironique et profond salut ; — je vais donc jouir de l’inestimable bonheur de l’écouter.

— Parlez, mon cher Jean, — reprend l’avocat très-contrarié des sarcasme de son beau-frère, — de quoi s’agit-il ?

— Vous me refusez la main de mademoiselle Charlotte… parce que ma sœur a été, dites-vous… la maîtresse de Louis XV ?

— Hélas… oui… votre malheureux père lui-même, sans nommer il est vrai sa fille, a flétri, dénoncé à l’indignation publique ce fait horrible ! Il a raconté comment votre infortunée sœur, après avoir été subrepticement enlevée à l’âge de onze ans et demi… n’était sans doute sortie du Parc-aux-Cerfs… que pour disparaître à jamais… puisque depuis cette funeste époque, l’on n’a plus eu de nouvelles de cette pauvre créature ! embarquée, selon toute probabilité, pour l’Amérique… Là… elle aura trouvé la fin de sa triste vie… hélas !…

— Ainsi, monsieur, vous partagez notre créance au sujet de la disparition de ma sœur ?

— Certainement, mon ami ; il est pour moi hors de doute que cet infâme pouvoir royal aura voulu faire disparaître à la fois la victime de la monstruosité de Louis XV, et votre père… révélateur de cette monstruosité…

— Ainsi, monsieur… vous persistez à croire que ma sœur, à peine sortie du repaire où elle avait été enfermée, a été embarquée pour l’Amérique, où elle sera morte ? — reprit avec persistance et d’une voix contenue le jeune artisan ; — telle est votre conviction ?

— Eh ! sans doute… mais d’où vient votre insistance à ce sujet, mon cher Jean… vous-même, ainsi que vous me l’avez cent fois répété, ne partagez-vous pas cette façon de voir ?

L’accent, l’expression des traits de l’avocat, prouvaient sa sincérité. Il ignorait évidemment le séjour prolongé de Victoria dans la petite maison voisine de Versailles et son emprisonnement aux Filles repenties ; fatales circonstances qui, selon Jean Lebrenn, auraient pu