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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/36

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soixante années d’abominable despotisme politique et religieux, imposé par la terreur, succéderont des temps d’expansion et de liberté ! Vous l’avez vu, à travers le long règne de ce despote, l’esprit républicain, né de la réforme religieuse, toujours ardent et vivace, s’est souvent manifesté, tantôt par des conspirations habilement ourdies, telles que celle du républicain Affenius Van-den-Enden, dont le chevalier de Rohan ne fut que le drapeau ; tantôt par des insurrections formidables, telles que celles des vassaux de Bretagne, voulant imposer à la noblesse et au clergé l’acceptation du code paysan. Sans doute ces rébellions ont été étouffées dans le sang des rebelles ; mais, ainsi que vous l’avez toujours vu à travers les âges, fils de Joël, le sang des martyrs est fécond !


Moi, Salaün Lebrenn, en cette année 1715, la quatre-vingt-quatorzième de mon âge, j’ai terminé d’inscrire dans nos annales les événements importants du règne de Louis XIV. Je m’arrête ici, car c’est à peine si ma vue affaiblie et le tremblement de ma main m’ont permis d’achever d’écrire les dernières pages de ce récit.

Je te lègue cette légende, à toi, mon fils Alain… fils de ma vieillesse et de mon exil ; à toi le frère puîné de mon Nominoë, toujours regretté, toujours pleuré, car, à cette heure encore, mes yeux se mouillent de larmes en songeant à son suicide et à celui de Berthe de Plouernel, sacrifice expiatoire, offert à Dieu par ces deux vaillantes âmes pour l’apaisement de la haine séculaire qui divisait les fils de Neroweg le Franc et de Joël le Gaulois. Puissent ces vœux être exaucés !… Puisse venir un jour sur la terre le règne de la fraternité humaine !

À cette légende je joins les reliques de notre famille, augmentées du marteau de forgeron laissé par Tankerù. Tu transmettras, cher fils, ce trésor domestique à notre descendance.

La mort de Louis XIV va sans doute apporter un terme ou un adou-