Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon père Ronan. Il embrassa la profession de mon aïeul. Celui-ci mourut en l’année 1751. Mon père a eu deux enfants : ma sœur Victoria, née en 1760, et moi, Jean Lebrenn, né en 1766.

La vie de mon aïeul s’écoula paisible et obscure ; mais de grands malheurs frappèrent notre famille, et, ainsi que vous le lirez dans la légende suivante, fils de Joël, mon père n’eut pas, hélas ! le bonheur de voir, comme moi, l’éclatante victoire qui a couronné quinze siècles d’efforts incessants, laborieux, sanglants, grâce auxquels nos aïeux, tour à tour esclaves, serfs, vassaux, ont, au prix de leur vie et de révoltes sans nombre, conquis d’âge en âge, pas à pas, une à une, ces franchises que la république française vient d’affirmer, de consacrer à la face du monde, en proclamant, au nom des droits de l’homme, la déchéance des rois et la souveraineté du peuple.

Je me suis servi des notes laissées par mon grand-père, pour écrire le récit sommaire des événements importants accomplis depuis la mort de Louis XIV jusqu’au 4 mai 1789, première journée de notre immortelle révolution.

Ensuite de ce récit, fils de Joel, viendra la légende du Sabre d’Honneur.


Lors de la mort de Louis XIV, son héritier, Louis XV, était âgé de cinq ans et demi. Le 2 septembre 1715, par arrêt du Parlement, la régence fut déférée à Philippe, duc d’Orléans, contrairement au testament du feu roi, qui désignait pour régent le duc du Maine, l’un de ses nombreux bâtards. Le convoi du grand roi, conduit rapidement à Saint-Denis, sans aucune pompe et presque furtivement, fut accablé des malédictions du peuple, non moins irrité contre le jésuite Le Tellier, confesseur du roi. On proposa dans la foule d’aller mettre le feu aux maisons des révérends pères, car on les abhorrait à l’égal du défunt despote. Sa mort causa une sorte d’allégement universel, suivi d’une réaction violente contre la noire hypocrisie,