Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/41

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le mal, réduisit l’armée, le nombre des officiers et des charges de la maison du roi ; à l’exemple de Sully et de Colbert, il exigea la rentrée directe des taxes au trésor, supprimant l’intermédiaire des traitants. Les impôts les plus lourds furent allégés, mais en même temps l’on réduisit la rente de moitié. Cette banqueroute partielle ne suffisant pas à combler le gouffre de la dette et du déficit, l’on donna une valeur fictive aux monnaies ; cette mesure détestable jeta la perturbation dans les affaires commerciales. L’on essaya aussi de faire rendre gorge aux traitants, aux receveurs généraux ; mais ils achetèrent l’appui des femmes galantes de la cour du régent ou de ses roués, ainsi que l’on appelait les familiers de ce prince. Tel traitant, taxé à douze cent mille livres de restitution, donnait cent cinquante mille livres à la maîtresse d’un haut personnage, ou à l’un des compagnons de débauche de Philippe d’Orléans, et était délivré de toute poursuite. Les sources du revenu public tarissaient ; la banqueroute devenait imminente, lorsqu’un étranger, un Écossais, John Law, aventureux, hardi, plein d’esprit et de feu, doué surtout d’un véritable génie financier, proposa nettement au cardinal de Noailles de combler le déficit, d’éviter la banqueroute, d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses de l’État, et d’ouvrir à la France une ère de prospérité, de richesse inouïes. Law possédait à fond le mécanisme des banques. Frappé des immenses avantages que présente au commerce la lettre de change, en un mot, le papier-monnaie sur l’argent, d’un transport ou d’un si difficile envoi, il pensa que l’État, moyennant l’émission d’un papier-monnaie représentant sa valeur réelle en numéraire ou en propriétés territoriales, trouverait d’immenses avantages à constituer une banque nationale. Les plans de Law séduisirent d’autant plus le régent, que la banqueroute était inévitable : il voulut tenter le premier essai du système du financier écossais et lui accorda, le 2 mai 1716, le privilège de fonder une banque d’escompte par actions, et autorisa par décret la circulation de ses billets. Cette mesure portait un coup