Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/65

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Du Barry et de ses partisans, dont il satisfaisait amplement la cupidité ! Bientôt un monstrueux attentat, concerté entre Louis XV, le chancelier Maupeou, et l’abbé Terray, fit déborder l’indignation générale. La récolte des blés avait été mauvaise en 1768. Le peuple, presque affamé, s’émeut, s’insurge en Normandie au cri de : Mort aux accapareurs ! Quels étaient ces accapareurs ? On le sut bientôt… et voici comme : le 5 mai (1768), le parlement de Rouen supplie le roi de suspendre la libre exportation des grains, parce que, depuis quelque temps, de mystérieux agents achetaient d’énormes quantités de blé, non pas au marché selon la prescription des édits, mais dans les greniers des particuliers. Le Parlement commence des poursuites contre ces monopoleurs. Elles sont mises à néant par ordre du roi. Le Parlement expose alors ses griefs en ces termes significatifs :

« — Des achats énormes ont été faits en même temps pour un même compte sur divers marchés de l’Europe. Les entreprises des particuliers ne sauraient être si immenses. Il n’y a qu’une société, dont les membres sont puissants en crédit, qui soit capable d’un tel effort ; on a reconnu dans les transactions l’impression du pouvoir, les pas de l’autorité. Le négociant spéculateur ne s’y est point trompé. Les achats en grenier ont été faits à l’ombre de l’autorité par des agents qui bravaient toutes les défenses ; nous en avons les preuves en main… La défense de poursuivre les monopoleurs prouve leur existence. Cette défense émanée du trône change nos doutes en certitudes. »

Bertin, ministre de la maison du roi et agent confidentiel des intérêts privés de son maître, répond arrogamment aux accusations transparentes et terribles du parlement de Rouen :

« — Vos réflexions ne sont que des conjectures, et des conjectures peu conformes au respect dû au roi ; vous les avez accueillies sans preuves et sans approfondir les faits. »

Le Parlement, n’osant mettre directement le roi en cause, main-