Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/118

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pétitions de déchéance de Louis XVI, quel nectar pour nous que ce sang jacobin !

» Et les prétoriens poussent leurs mesures en conséquence ; ils rassemblent dix mille hommes de troupes : infanterie, cavalerie, artillerie ; le temps a marché, la nuit approche, les treize aides de camp de La Fayette se répandent dans les lieux publics, disant que leur général a été assassiné par un jacobin… ce qui est faux, archifaux !… Mais qu’on juge de la fureur des idolâtres, des bleuets du Néron des Deux Mondes ! En un moment, vous les eussiez vus sortir furieux de leurs casernes ou plutôt de leurs cavernes. Ils s’assemblent, ils chargent à balle devant le peuple, on bat de tout côté la générale ; les vingt-sept bataillons les plus garnis d’aristocrates reçoivent l’ordre de marcher au champ de Mars. Ils s’animent au massacre, on les entend dire en chargeant leurs fusils : — Nous allons envoyer des pilules aux jacobins. — La cavalerie brandit ses sabres. Le jour était assez tombé pour leur dessein ; la nuit approche et enfin le drapeau rouge arrive au champ de Mars, non pas à huit heures et demie du matin, peu de temps avant la mort des deux malheureuses victimes des bandits soudoyés, mais à huit heures et demie du soir, et ce drapeau sanglant se déploie pour donner le signal du massacre des pétitionnaires inoffensifs ! Les bataillons arrivent au champ de Mars, non par un seul côté afin que les citoyens puissent se dissiper mais la troupe arrive par toutes les issues à la fois afin que les pétitionnaires soient cernés de tous côtés. Voici maintenant la dernière perfidie, celle qui met le comble aux horreurs de la journée. Les pétitionnaires étaient autour de l’autel de la Patrie, c’est-à-dire à six cents pas de l’entrée du champ de Mars. L’armée de bourreaux avait bien prévu que tous ces citoyens sans armes, accompagnés de leurs femmes, de leurs enfants se retireraient à la première proclamation de la loi martiale ; mais afin de ne pas avoir à la publier et de donner ainsi à la foule l’occasion d’échapper à la boucherie, des bandits