Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mis, lorsque les ex-gardes françaises, qui ont pris part à l’attaque du château, s’interposent entre les vaincus et les vainqueurs, font appel à leur générosité. Ils sont écoutés… Le peuple alors, ne doutant plus des projets de fuite de Louis XVI, veut conserver à Paris le roi et la famille royale, comme otages, en présence des desseins menaçants de la coalition des souverains étrangers. La multitude demande à grands cris le retour et le séjour de Louis XVI dans la capitale ; ce prince, obligé de céder à cette intimation, est ramené par le peuple en armes dans sa capitale ; il y rentre, non pas ainsi qu’il l’espérait, en triomphateur inexorable, à la tête des armées étrangères… mais tremblant et presque prisonnier…

Vous croyez peut-être, fils de Joël, que la cour, avertie par la signification des redoutables journées des 5 et 6 octobre 1789 va renoncer à ses projets liberticides ? à ses complots occultes ? à ses trames avec l’étranger ?… Non ! non ! la haine acharnée des ennemis de la révolution redouble contre elle. Le clergé surtout tombe dans le délire de la rage ; ces doux ministres d’un Dieu d’humilité, de pauvreté, de charité, écument de fureur à la pensée de renoncer à leurs biens immenses et à la dîme impitoyable qu’ils prélevaient sur les misères du peuple. Lors de la fameuse nuit du 4 août (1789), on avait décrété l’abolition, mais en même temps la rédimation pécuniaire des dîmes ecclésiastiques ; et, comme elles atteignaient la majorité des vassaux plongés dans une affreuse détresse, il était absurde de songer à leur faire racheter l’exemption de la dîme de l’Église ; aussi, à la fin de l’année (1789), l’Assemblée ordonna purement et simplement l’abolition de la dîme sans rachat, décrétant, de plus, la vente immédiate des propriétés du clergé. La valeur de ces propriétés… plaignez ces infortunés apôtres de l’ami des déshérités, plaignez-les, fils de Joël… la valeur de leurs propriétés s’élevait à plus de quatre milliards ; de sorte qu’en les vendant, la nation, payant les dettes du clergé, rétribuant largement ses fonctions sacerdotales, se chargeant des hôpitaux et de leur dotation, pouvait encore éteindre