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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/158

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Un juge de paix, dans un état d’agitation extrême, se présente à la barre :

« — Monsieur le président, je me trouvais, il y a un quart d’heure, dans la cour du château. J’ai été témoin de faits très-graves… ils peuvent éclairer l’Assemblée sur la situation présente des assaillants et des défenseurs du château… en ce moment où une terrible lutte va s’engager.

» le président. — Parlez, monsieur.

» le juge de paix. — Ce matin, à six heures, le roi est descendu dans la cour des Tuileries… afin de passer la revue des troupes… La reine l’accompagnait ; derrière eux venait un groupe de gentilshommes en habits de ville, armés les uns d’épées, les autres de couteaux de chasse, d’autres de carabines ou d’espingoles ; cette escorte insolite a tout d’abord produit le plus mauvais effet sur la garde nationale ; puis autant la contenance de la reine était forme et décidée, autant l’attitude du roi était indécise, embarrassée, j’oserais dire bourrue ; il paraissait encore à demi endormi. Cependant, des cris de : Vive le roi ! se sont fait entendre dans quelques compagnies… mais les bataillons de la Croix-Rouge et tous les canonniers ont crié : Vive la nation ! … J’ai même entendu quelques cris de : À bas Veto ! à bas le traître ! … Le roi a pâli, a fait un geste de colère, est rentré brusquement au château… La reine, restée dans la cour, s’est approchée de l’état-major des bataillons de Mauconseil et des Arois qui arrivaient, et leur dit, en leur montrant le groupe de gentilshommes armée de toutes façons : — Ces messieurs sont nos meilleurs amis ; ils accourent autour de nous au moment du danger… ils montreront à la garde nationale comment on meurt pour son roi… »

» voix nombreuses, à droite et au centre. — Ces paroles de la reine étaient de la dernière imprudence ! — C’est le comble de la maladresse ! — C’est du vertige ! — Silence… écoutez ! écoutez !

» le juge de paix. — Ces paroles de la reine ont en effet les