Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/17

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Chaque jour, des révélations nouvelles, dues à l’infatigable vigilance et à la publicité des journaux patriotes, augmentait la légitime aversion qu’inspirait une cour avide et corrompue. La découverte du livre rouge, vers le commencement de 1790, porta l’indignation publique à son comble. Loustalot écrivait à ce sujet :

« — … Pendant les dernières années du règne de Louis XV, et depuis l’avènement de Louis XVI, la misère publique a toujours été croissant dans les villes ; un luxe insensé, corrompant jusqu’aux dernières classes, cachait une détresse affreuse… Tous ces maux n’avaient qu’une cause : la prodigalité d’une cour crapuleuse, où des Messalines et des Julies disputaient à des Claudes et à des Nérons le prix de l’infamie ; où chaque jouissance coûtait le repos à un million d’hommes ; où l’or était produit par le crime et le crime reproduit par l’or ; où la nation française était moins prisée qu’un cheval de luxe ou qu’une courtisane… Si vous en doutez, citoyens, lisez le livre rouge ! »

Voici en deux mots l’histoire du livre rouge : au commencement de 1790, le député Camus découvrit, parmi les pièces exigées du gouvernement par le comité des finances, l’existence d’un registre relié de maroquin rouge, contenant le relevé des dépenses secrètes de Louis XV et de Louis XVI. Necker fut obligé, presque malgré lui, de donner à l’Assemblée communication de ce document. Il en résultait, entre autres énormités, que : — Le comte d’Artois, frère du roi, avait touché, sous le ministère de Calonne, quatorze millions cinquante mille cinquante livres seulement en secours extraordinaires. — Et Monsieur, comte de Provence, autre frère du roi, avait modestement emboursé, pour sa part, treize millions huit cent quarante mille livres. — Parmi les courtisans, la famille Polignac touchait plus de sept cent mille livres de pension. — Un marquis d’Autichamp recevait quatre pensions : la première, pour services de feu son père ; la deuxième, pour le même objet ; la troisième, pour les mêmes raisons, et, la quatrième, pour les mêmes causes. — Un