Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sident annonça la découverte des papiers trouvés dans l’armoire de fer… Louis XVI parut foudroyé par cette révélation : il était pâle, sa figure devint livide… son premier regard chercha celui de la reine… et je la vis, malgré sa fermeté, soudain tressaillir et devenir non moins livide que le roi. Celui-ci, ne cachant pas son accablement, laissa tomber son front dans ses mains agitées d’un tremblement convulsif. Évidemment l’armoire de fer contenait de terribles secrets… des preuves flagrantes de complots de lèse-nation !

Je fus distrait de cet incident par une nouvelle scène d’une grandeur imposante. J’entendis le président de l’Assemblée dire d’une voix lente et grave :

« — Les citoyens ministres ici présents, Roland, Monge, Clavière et Danton, sont invités à prêter serment de maintenir la liberté, l’égalité, ou de mourir à leur poste. »

La prestation de ce serment fut, je l’ai dit, fils de Joël, d’une grandeur imposante. C’était une tâche effrayante que le maniement des affaires publiques, en ces temps formidables où la patrie, la révolution, étaient menacées ; à l’extérieur, par les puissantes armées des despotes étrangers ; à l’intérieur, par la guerre civile. Accepter le ministère, c’était jouer sa tête… les nouveaux ministres le savaient. Cette conviction donnait à leur serment un caractère de sombre solennité ; calmes, graves, pénétrés de la sainteté de leur devoir et résolus de s’y dévouer jusqu’à la mort, ils montèrent tour à tour d’un pas ferme à la tribune au milieu d’un silence religieux.

« monge. — Je jure de maintenir l’égalité… la liberté… ou de mourir à mon poste.

» roland. — Je le jure !

» clavière. — Je le jure !

Danton, appelé le dernier à la tribune, contient à peine sa fougue habituelle, et redressant son front intrépide qui semble défier les orages, les dangers, il s’écrie de sa voix puissante comme son énergique et audacieuse nature :