Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/260

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royalistes ou contre-révolutionnaires, comptaient parmi les prisonniers et ont été acquittés par le tribunal improvisé au nom du peuple ; ces relations, dont la partialité ne saurait être suspectée, en ce qui touche les actes favorables au peuple, confirment de tous points le récit de ma sœur, mais s’étendent avec une légitime indignation sur des scènes de férocité inouïe dont je vous épargnerai le douloureux tableau, fils de Joël. Hélas ! nos ennemis, et, malheur irréparable, nos amis même, n’auront que trop le droit d’évoquer le souvenir de ces sanglantes journées : elles seront le deuil et le remords éternel de notre sainte, trois fois sainte révolution.



Relation de l’abbé Sicard, instituteur des sourds et muets, adressée à l’un de ses amis, sur les dangers qu’il a courus les 2 et 3 septembre 1792 (no 81 des Annales religieuses)[1].


« J’ai dû la vie à Monnot, horloger, rue des Petits-Augustins. J’allais périr, lorsqu’il m’a couvert de son corps et s’est écrié :

» — Voilà, citoyens, la poitrine qu’il faut frapper avant d’arriver à celle de cet honnête homme ! Vous ne le connaissez pas, mes amis ! Vous allez tomber à ses pieds lorsque vous saurez son nom : c’est l’abbé Sicard, l’éducateur des pauvres sourds et muets !

» Le peuple ne se calmait pas ; il croyait que l’on voulait, sous mon nom, sauver la vie d’un traître. J’ai osé m’avancer moi-même, et, monté sur un banc, parler au peuple, n’ayant pour toute défense que le courage de l’innocence et ma ferme confiance dans ce peuple égaré. J’ai dit mon nom, mes fonctions d’instituteur des sourds et muets… Des applaudissements réitérés ont succédé à des cris de rage ; j’ai été mis par le peuple lui-même sous la protection de la loi.

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  1. Voir Histoire parlementaire de la Révolution, vol. XVIII, p. 87.