Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/287

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— Tu comprends, mon ami, qu’effrayée de ces rumeurs, qui couraient à Lyon, au sujet du triomphe d’une conspiration royaliste, ensuite de laquelle Paris était à feu et à sang, la Convention dissoute, ses membres exposés aux plus grands dangers…

— Encore une fois, il m’est impossible d’imaginer quel a été le but des propagateurs de ces bruits sinistres, — répond M. Desmarais, interrompant sa femme. — L’on est, il est vrai, sur les traces d’un complot royaliste, dont le procès de cet infortuné roi est le prétexte ; mais le complot ne peut qu’avorter : Paris est forcené depuis le 10 août !

— Quoi qu’il en soit, mon ami, effrayée de ces rumeurs, je n’ai pu résister à mon inquiétude ; je me suis aussitôt, sans prendre le temps de te consulter, mise en route pour Paris ; d’ailleurs, je te l’avoue, et je te l’ai cent fois répété dans mes lettres, il m’en coûtait trop de vivre ainsi loin de toi en ces terribles temps ; notre espoir de détruire par l’absence la malheureuse passion de notre fille pour ce Lebrenn ; ton désir de me soustraire aux continuelles angoisses où m’auraient jetée les insurrections, les mouvements qui se succèdent à Paris ; tels avaient été les motifs de notre séparation prolongée ; je ne puis m’y résigner davantage ; son principal but est manqué : Charlotte persiste dans son inébranlable volonté de rester fille ou d’épouser ce garçon serrurier. Elle ne nous a jamais caché qu’elle lui écrivait souvent. Or, qu’elle soit à Paris ou à Lyon, il n’en sera ni plus ni moins à l’endroit de ce dégradant amour ; enfin, par cela même que les événements se précipitent ici d’une manière effrayante, et que tu peux être exposé à des dangers de mille natures, ma place est auprès de toi, mon ami ; je suis donc résolue de ne plus te quitter ; j’ajouterai que j’éprouve les plus vives alarmes au sujet de mon frère : tu sais combien est grande mon affection pour lui, juge de ce que la violence de ses opinions antirévolutionnaires me fait redouter à son sujet ! Ses lettres, dans lesquelles il ne me cachait ni ses fureurs, ni ses haines, ni ses espérances, me faisaient