Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/301

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heures, une hospitalité que les ennemis les plus acharnés ne se refusent jamais, pour peu qu’ils aient de générosité dans l’âme, et ce lâche, dans la crainte d’être compromis, veut m’envoyer à l’échafaud ! Cet homme n’est pas méchant, dis-tu ? Ah ! je te dis, moi, que la peur rend les lâches féroces ; je connais maintenant le misérable à qui ta vie est enchaînée : c’est pour toi plus que pour moi que je tremble…

Au moment où M. Hubert prononce ces derniers mots, l’on entend Gertrude frapper en dehors de la porte, et s’écrier d’une voix effarée :

— Monsieur, ouvrez, ouvrez ! c’est le commissaire de la section avec de la maréchaussée ; il monte ! On a découvert que M. Hubert est caché ici.

À ces mots, M. Hubert tire de ses goussets une paire de pistolets à deux coups, les arme, et d’une voix sourde :

— Je vendrai chèrement ma vie ; mais, mille dieux ! ma première balle sera pour toi, beau-frère ; car, auprès de toi, Marat est estimable !

L’avocat Desmarais entend à peine la menace que lui adresse M. Hubert, et court à la porte, dont il ouvre les verrous, pendant que sa femme, frappée d’une idée subite, et puisant dans la terreur même dont elle est saisie une énergie surhumaine, entraîne son frère dans sa chambre à coucher, dont la porte s’ouvre sur le salon, en murmurant :

— Viens ! il est peut-être encore temps de fuir ! viens, viens !

M. Hubert, cédant à une lueur d’espoir, et tenant toujours ses pistolets à la main, suit précipitamment sa sœur dans la chambre voisine, dont on entend fermer intérieurement la porte à double tour. M. Desmarais n’a pu s’apercevoir de la disparition de son beau-frère, car, en ce moment, il sort du salon en disant à haute voix :

— Citoyen commissaire, je vous somme, au nom du peuple, d’arrêter un traître qui a eu l’audace de se réfugier ici !