— Citoyen, avant de répondre à votre question au sujet de ce coffre, je requiers l’arrestation immédiate de ma femme, comme complice de l’évasion d’un conspirateur. — Et remarquant un mouvement de surprise du commissaire, l’avocat ajoute d’une voix rude, se drapant dans un stoïcisme affecté : — Je vous l’ai dit, citoyen, si j’avais un fils traître à la patrie, je le livrerais moi-même au glaive de la loi ; je vous sommais d’arrêter mon beau-frère lorsqu’il s’est évadé, grâce à la criminelle complicité de ma femme, je réclame l’arrestation immédiate de la citoyenne Desmarais, qui ne peut tarder à rentrer !
— Je n’ai point de mandat d’arrêt contre la citoyenne Desmarais, j’en référerai au procureur de la commune.
— Soit ; mais d’ici là, citoyen, je me constitue le geôlier de ma femme ; elle sera aussi sûrement détenue chez moi qu’elle le serait à la prison de la Force.
— Je vous crois, citoyen ; mais…
— Un mot encore. Les actes de cet ardent civisme, qui sait mettre le salut de la patrie au-dessus de toute considération d’intérêt privé ou de famille, ces actes sont d’un bon exemple.
— Certes.
— Vous connaissez Marat, mon collègue à la Convention, et le plus grand patriote de ce temps-ci ?
— Je le connais.
— Priez-le donc d’insérer dans le prochain numéro de son patriotique et excellent journal ces simples mots : « La citoyenne Desmarais ayant favorisé l’évasion de son frère, prévenu de complot royaliste, le citoyen Desmarais, membre de la Convention, a immédiatement requis l’arrestation de sa femme. Exemple donné aux bons patriotes. »
— L’exemple est plus que stoïque, et si coupable que soit la citoyenne Desmarais, elle a pour excuse l’affection fraternelle…