Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/320

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fait pour elle et d’être accusé de tiédeur… — Puis, voulant rompre un entretien qui l’embarrassait et cacher le cruel désappointement que lui causait le refus de Saint‑Just, M. Desmarais ajoute : — Quoi de nouveau ce soir aux Jacobins ?

— Un discours qui a duré un quart d’heure à peine, et qui a cependant causé une sensation inexprimable.

— À propos de quel sujet ce discours ?

— À propos de la peine à infliger à Louis XVI.

— Quel a été l’orateur ?

— Un jeune homme que je suis fier de compter parmi mes amis car sa modestie égale son patriotisme et son mérite : c’est un simple artisan serrurier. Nous voulions le porter candidat à la Convention, il a refusé, mais accepté les fonctions d’officier municipal…

— Je gage que ce jeune patriote est Jean Lebrenn.

— Vous le connaissez ?

— Si je le connais ? — s’écrie M. Desmarais, et il ajoute d’un accent triomphant : — C’est mon élève ! mon cher élève !

— Jean Lebrenn ?

— J’ai fait pendant six mois son éducation révolutionnaire ; je le voyais presque chaque jour.

— Voilà qui est singulier, il ne m’a jamais parlé de vous.

— Mon cher élève est un vilain ingrat, voilà tout, — reprend en souriant M. Desmarais ; — et vous dites, mon cher Billaud, que son discours ?…

— A causé un effet prodigieux aux Jacobins.

— Et à quoi conclut son discours ?

— À la mort de Louis XVI.

— Cela ne m’étonne pas, Jean Lebrenn est mon élève !!

— Eh bien, moi, cette conclusion m’a quelque peu surpris.

— Pourquoi donc ?

— Ce jeune homme, d’une nature ardente, généreuse, élevée, mais tendre et délicate, n’a qu’une règle invariable de conduite, la