Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/41

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le 21 juin 1791, jour de la fuite de Louis XVI, n’aient pas répondu à la juste attente, aux vœux du bon sens du peuple, qui jugeait parfaitement la situation ? Pourquoi les jacobins n’ont-ils pas profité de cette circonstance aussi favorable qu’inespérée : la désertion du roi, pour demander, pour exiger même de l’Assemblée nationale, au nom de la constitution, la déchéance du fuyard ? Ce premier pas dans la voie républicaine eût été décisif… Mais non, et ainsi que vous allez le voir dans cette séance, si profondément émouvante d’ailleurs, fils de Joël, la conduite des Jacobins fut indécise, équivoque et coupable ; car, en révolution, ne pas profiter de l’occasion est une faute irrémissible.

Lorsque, vers les huit heures du soir, nous sommes entrés, Victoria et moi, dans la salle des Jacobins, cette salle et les tribunes regorgeaient de spectateurs, attirés par l’importance des débats que devaient soulever les événements de la journée. Hommes, femmes, jeunes filles, étaient sous le coup d’une fiévreuse impatience, car l’un des caractères particuliers de notre révolution est l’intérêt passionné des femmes pour la chose commune ; déjà vous les avez vues et vous les verrez encore, fils de Joël, ces vaillantes Gauloises, prendre aussi virilement part à l’action qu’à la discussion, ainsi que leurs mères de la Gaule antique.

Le bruit tumultueux des grandes assemblées populaires s’apaise peu de temps après que les membres du bureau ont pris leur place ; le citoyen Prieur (de la Marne) préside le club, et à ses côtés sont ses secrétaires : Huot-Goncourt, Chéry fils, Lampidor et Danjou. La sonnette du président se fait entendre. Il annonce la lecture d’une adresse envoyée à toutes les sociétés fraternelles des départements correspondant avec le Club central. Ainsi se doit expliquer le fécond et merveilleux accord d’esprit et d’action que la société mère des jacobins imprimait à ses affiliées des provinces. Un profond silence règne bientôt dans la salle et dans les tribunes, le citoyen Danjou, l’un des secrétaires, donne lecture de l’adresse des jacobins à leurs