Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

titude et son audace accoutumées les moyens de conjurer les maux dont la patrie est menacée, La Fayette garde une contenance imperturbable, sourit et fait signe qu’il répondra.

« — Citoyens ! — poursuit Danton, — pour sauver la France, il faut au peuple de grandes satisfactions… »

— Écoutez… écoutez…

« — Le peuple est las d’être continuellement bravé par ses ennemis ! »

— Oui, oui… écoutez.

« — Ce n’est pas altérer le principe de l’irrévocabilité des représentants du peuple que de chasser de l’Assemblée nationale et de livrer à la justice ceux des députés qui appellent la guerre civile en France par l’audace d’une infâme rébellion… Mais si la voix des défenseurs du peuple est étouffée… si nos ménagements coupables mettent la patrie en danger, j’en appelle à la postérité… C’est à elle de juger entre vous et moi ! »

Danton descend de la tribune au moment où Robespierre sort pour aller reprendre son siége à l’Assemblée nationale.

Grande est la consternation du populaire des tribunes, une fois encore déçu en ce jour de ses espérances ; car les accusations légitimes, lancées par l’orateur contre La Fayette, et la vague proposition de chasser les traîtres de l’Assemblée, ne concluaient en fait à aucune mesure positive, n’indiquaient en rien le moyen de pourvoir au salut de la patrie, menacée selon Danton et selon Robespierre. Les jacobins paraissent allégés de l’inquiétude que leur a causée l’apparition de Danton à la tribune, vers laquelle se dirige alors La Fayette : il s’y installe avec son aisance de gentilhomme ; puis, faisant d’un très grand air sa révérence à l’auditoire, il dit d’une voix calme et claire avec un accent de parfaite courtoisie :

« — Messieurs, l’un de messieurs les préopinants m’a fait l’honneur de me demander pourquoi je viens me réunir aux jacobins ?… Je viens me joindre à eux parce que c’est à eux que tous