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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/61

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Vous êtes les défenseurs de la constitution : je propose donc de repousser, par l’ordre du jour, la pétition des cordeliers. »

L’assemblée entière se lève pour l’ordre du jour, et le citoyen Gorguereau s’écrie avec indignation :

« Je déclare, moi, que l’adresse des cordeliers est une scélératesse ! »

— Oui, oui, — répètent grand nombre de jacobins, tandis que l’orateur des cordeliers descend de la tribune profondément attristé, mais calme et digne, quitte la salle du club avec la députation dont il a été accompagné. Danton, soit qu’il eût attendu la réponse de La Fayette à ses véhémentes apostrophes pour s’exprimer ensuite sur les événements du jour avec sa décision et son énergie habituelles, soit qu’il reconnût tardivement l’immense parti que les constitutionnels devaient tirer de l’inconcevable attitude des révolutionnaires en présence de la fuite de Louis XVI, s’élance à la tribune aussitôt après le départ de la députation des cordeliers :

« — Un dernier mot, citoyens, — dit Danton, — l’individu déclaré roi des Français, après avoir juré la constitution, s’est enfui… et l’on prétend qu’il n’est pas déchu de sa couronne ?… »

— Non, non ! — s’écrient quelques jacobins. — La déchéance de Louis XVI n’entraînerait pas d’ailleurs l’abolition de la royauté, — ajoutent d’autres membres du club, — la royauté est écrite dans la constitution !

— Mais Louis Capet a déserté avec son mioche ! Toute la famille royale a émigré par-dessus le marché ! Où diable voulez-vous donc, citoyens jacobins, aller pécher ce produit héréditaire et heureusement rare qu’on appelle : un roi ? — crie un bonnet rouge des tribunes.

Cette question d’un bon sens très-embarrassant est couverte des murmures des jacobins, et Danton continue ainsi :

« — N’oublions pas que l’individu déclaré roi des Français a signé un écrit dans lequel il déclare sa volonté de détruire la constitution. L’Assemblée, en ce cas, doit, si le fugitif lui est ramené, lui