Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Fournier l’Américain et le marquis de Saint-Hurugue, l’un des rares aristocrates qui embrassaient la cause révolutionnaire. Santerre marchait à la tête de son bataillon, appartenant aux sections du faubourg Saint-Antoine. Presque tous les citoyens de ce bataillon, trop pauvres pour acheter des habits d’uniforme, portaient leurs habits d’artisans. Le plus grand nombre était armé de piques au lieu de fusils. L’aspect de ces hommes, la poitrine demi-nue, à la physionomie honnête, mais énergique et rude, à l’attitude résolue, aux vêtements usés par un labour quotidien, et coiffés du bonnet de laine du prolétaire, offrait un contraste frappant avec la tenue militaire des bonnets de peaux d’ours, ainsi que l’on appelait les grenadiers de la garde nationale des quartiers du centre de Paris. L’un des hommes du bataillon de Santerre tenait une pique surmontée d’un écriteau ainsi conçu :


citoyens, soyez calmes, et respectez la loi.


Un autre homme du faubourg portait un pain embroché au fer de sa pique, surmontée de cette inscription :


le peuple ne meurt pas de faim en l’absence de ses tyrans !


La présence de Santerre et de son bataillon fut saluée de ces cris, poussés par le peuple :

— Vive Santerre ! — Vive la nation !

Quelques voix ayant crié : — À bas Veto ! — furent couvertes d’improbation et par de nouveaux cris de : Vive la nation ! sans qu’une nouvelle injure adressée à la personne du roi se fit entendre. Cette leçon de modération donnée à la garde bourgeoise l’irrita, l’exaspéra. M. Hubert, mettant son chapeau au bout de son épée, s’écria : — Vive le roi ! — en jetant sur la foule un regard d’intrépide défi. Cette nouvelle provocation demeura vaine ; M. Hubert, ne se possédant plus, s’écria :

— Grenadiers ! le passage laissé entre les deux haies n’est pas