Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/240

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au bruit lointain du tambour, elle ajoute : — On bat encore le rappel, et, malgré vos assurances, mon cher Jean, je ne puis vaincre mon inquiétude.

— De grâce, ne crains rien, bonne mère, aie confiance à la parole de Jean, puisqu’il t’assure qu’il n’y a rien à craindre.

— Oh ! toi… tu es devenue une héroïne, — reprend madame Desmarais s’efforçant de sourire ; — mais moi, je suis restée une bonne vieille femme du bon vieux temps, un peu bien poltronne et toujours effarouchée des agitations qui durent depuis quatre ans… Et cependant je suis si heureuse, si profondément heureuse auprès de vous, mes enfants, que chaque jour je remercie Dieu de ce bonheur, en me reprochant les vilains préjugés qui, pendant plusieurs années, me faisaient regarder comme un malheur de famille ce mariage dont maintenant je rends grâce au ciel !

Gertrude, la vieille servante de la famille, et qui avait suivi madame Desmarais et sa fille dans leur nouvelle demeure, entre et dit à Jean :

— Monsieur Jean, votre contre-maître Castillon demande à vous parler.

— Qu’il vienne.

— Mon ami, Charlotte et moi nous vous laissons, — dit madame Desmarais ; — si vous sortez, vous viendrez nous voir avant de partir, n’est-ce pas ?

— Certes, chère belle-mère ; — puis, s’adressant à sa femme, Jean Lebrenn ajoute avec un signe d’intelligence : — Si tu vois ma sœur avant moi, garde, je te prie, le silence sur l’entretien en question.

— Tel était mon dessein, mon ami.

— Puisque vous parlez de Victoria, mes enfants, savez-vous que l’altération de sa santé me semble inquiétante ? Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, quoique toujours bien belle, pourtant… Quel esprit ! quel cœur que le sien !… Tenez, les larmes me viennent