Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/333

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finira presque toujours par triompher des masses confuses, inexpérimentées au combat ; oui, quels que soient leur nombre, leur intrépidité, leur dédain de la vie, leur patriotisme, elles succomberont si elles ne sont encadrées dans des troupes de ligne et surtout soutenues par de la cavalerie et par de l’artillerie, armes spéciales et savantes qui ne se peuvent improviser en un jour.

Donc, sans l’immense renfort des levées en masse des bataillons de volontaires, nos troupes de ligne, dix fois inférieures en nombre aux armées coalisées, n’auraient pu tenir la campagne contre elles ; mais les bataillons de volontaires, sans ce noyau de régiments aguerris, et surtout sans l’indispensable appui de la cavalerie et de l’artillerie, n’auraient pas vaincu l’ennemi par le seul élan de leur bravoure et de leur patriotisme.

Tels sont donc ces bataillons de volontaires, dont une compagnie, jetée en poste avancé, occupait une auberge isolée située sur la route de Wissembourg à Ingelsheim, bourg assez considérable où Hoche et Pichegru avaient porté leur quartier général. Les armées du Rhin et de la Moselle, réunies sous le commandement de ces deux généraux, campaient aux environs du bourg, qu’ils entouraient des feux de leurs bivacs ; lignes couvertes par des grand’gardes, entre autres par celle qui, à la tombée du jour, s’était établie dans l’auberge dont nous parlons ; en prévision d’une attaque possible, les murs d’une cour, au fond de laquelle s’élevait la maison d’habitation, avaient été crénelés ainsi que la muraille d’une spacieuse salle et d’une cuisine situées au rez-de-chaussée, où se tenaient alors les volontaires parisiens. Des factionnaires étaient placés dans la cour, le long du mur crénelé, tandis que des sentinelles détachées à cent pas de l’auberge se reliaient au cordon de vedettes qui couvrait les autres grand’gardes des lignes françaises.

Jean Lebrenn et Castillon, ayant depuis deux mois rejoint l’armée de la Moselle, appartenaient à la compagnie qui occupait l’auberge isolée devenue ainsi un avant-poste. Jean Lebrenn se trouvait alors