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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/335

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qu’admirer davantage, de leur bonne humeur, de leurs saillies au milieu des plus rudes privations, de leur insouciance des périls que bravait leur folle gaieté, ou de leurs actes héroïques inspirés par un sublime patriotisme.

Le capitaine de la compagnie postée dans l’auberge se nommait Martin. Jadis élève de l’illustre peintre David, le conventionnel régicide, il avait été l’un des premiers enrôlés du 2 septembre 1792. Ce fut lui qui, si l’on s’en souvient, au moment de partir pour la frontière, cédant à l’espèce de panique dont était malheureusement saisie la population parisienne, haranguait les citoyens pour les pousser au massacre des prisons, et faillit faire mettre en pièces Jean Lebrenn, qui s’efforçait de conjurer cette exécrable résolution. Martin, parti le soir même du 2 septembre 1792 pour la frontière, avait depuis gagné ses grades à l’élection, et ainsi reçu la récompense de son courage civique et de son intelligence militaire. Déjà blessé deux fois, plein de bravoure et d’élan, sachant se faire obéir de ses soldats au moment de l’action, le capitaine Martin se montrait joyeux, ouvert et avenant dans ses relations habituelles avec les volontaires, qu’il traitait non en chef, mais en camarade, familiarité voulue par la composition et par l’esprit des bataillons de volontaires. Quoiqu’il eût fait constamment la guerre depuis quinze mois, le jeune élève de David ne renonçait nullement à sa première vocation. Il attendait la paix et l’affermissement de la république pour déposer son épée, reprendre ses pinceaux et tenter de s’ouvrir une voie nouvelle dans son art en retraçant les glorieuses batailles de la révolution et divers épisodes de la vie des camps. Aussi esquissait-il souvent au bivac, et parfois même sur le champ de bataille, de nombreux croquis d’après nature, destinés à lui servir plus tard de mémento pour les tableaux qu’il méditait. Le capitaine Martin, en ce moment même assis au coin d’une table éclairée par une lampe de fer, s’amusait à croquer sur un petit carnet de poche la figure de l’aubergiste, effarée, lamentable et grotesque à la fois, qui offrait un contraste frappant