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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/347

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— Ah ! quel homme que Saint-Just, — ajoute un volontaire ; — je ne le connaissais pas… je l’ai vu dernièrement à Strasbourg, où j’avais été évacué pour guérir ma blessure. Lui et Lebas ont pris le titre de commissaires extraordinaires de la république. Ils n’ont pas rendu les visites qu’ils avaient reçues des premières autorités du département, afin de marquer sans doute qu’elles leur étaient subordonnées à eux représentants du peuple. Ils ne se montraient jamais en public, constamment occupés de leur mission, laborieux, rigides, laconiques, allant toujours droit au but et sans phrases, soit dans leurs entretiens, soit dans leurs décrets : on eût dit qu’ils craignaient de perdre un seul des instants qu’ils devaient consacrer au service de la nation.

— C’est bien ainsi que je me figurais ces deux grands patriotes, — dit le capitaine Martin : — Lebas, d’un caractère non moins irréprochable que celui de Robespierre, et qui, dans ses différentes missions, a donné tant de preuves de ses qualités d’homme d’État, sans parler de son courage et de son inflexible équité ; Saint-Just, l’une des gloires des jacobins. Ils ont dû faire une rude guerre aux suspects et aux aristocrates de l’Alsace, dont les complots sont doublement dangereux en ce pays si voisin de l’ennemi.

— Saint-Just et Lebas se sont surtout étudiés à prévenir les trahisons en les menaçant de rigueurs inexorables… Aussi, le croiriez-vous, camarades ? malgré les terribles nécessités des circonstances, durant tout le temps de la mission de Saint-Just et de Lebas à Strasbourg, pas une seule goutte de sang n’a coulé…

— Et l’on disait la guillotine en permanence à Strasbourg, — reprend le capitaine Martin. — Voyez comme on écrit l’histoire…

— Voici les faits, capitaine : un hébertiste, un moine défroqué, Euloge Schneider, accusateur public du tribunal révolutionnaire de Strasbourg, composé d’enragés, avait provoqué des exécutions d’une révoltante iniquité ; la première mesure de Saint-Just et de Lebas a été de casser ce tribunal forcené, d’ordonner l’arrestation de