Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/361

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mis la main sur deux espions… Quant à savoir de quel pays ils sont, j’y renonce… car cet homme parle un langage inintelligible.

— Et comment sont-ils tombés dans nos lignes de vedettes, camarade Lebrenn ? — demande le capitaine Martin, examinant attentivement les deux prisonniers impassibles et debout au milieu du cercle de volontaires formé autour d’eux. Le petit Rodin portait une espèce de blouse sous laquelle il dérobait ses mains, paraissant grelotter de froid. Le capitaine ne remarqua pas d’abord un mouvement presque imperceptible des mains de l’enfant cachées sous son sarrau.

— Voilà ce qui s’est passé, capitaine, — répond Jean Lebrenn. — Je montais ma faction : le brouillard était si épais que, de mon poste, l’on n’apercevait pas les feux de notre bivac… La terre, durcie par la gelée, est très-sonore… Soudain, j’entends à quelque distance le pas de gens qui s’approchaient presque directement sur moi… je les entends d’autant mieux qu’ils portaient des sabots… Je ne distingue rien, mais je crie : « Halte-là ! qui vive ?… » À ma voix, ces individus veulent fuir, mais ils n’aperçoivent point une flaque d’eau glacée sur laquelle leurs sabots glissent ; le bruit de leur culbute arrive jusqu’à moi… Je tire mon coup de fusil pour donner l’alarme et non pour blesser ceux qui venaient, car ce pouvait être des paysans de l’Alsace française ignorant notre langue ; mais je m’élance dans leur direction, et je joins ces individus au moment où ils se relevaient ; je saisis l’homme au collet, l’enfant par son sarrau ; ils essayent d’abord de m’échapper, puis, reconnaissant que j’avais le poignet solide, ils ne font plus de résistance, et cet homme m’adresse la parole en une langue inintelligible. Nos camarades accourent et nous vous amenons nos prisonniers. Leurs desseins sont suspects, car ils ont tenté de fuir à l’appel de mon qui vive, et ont ensuite tenté de m’échapper.

— Petit brigand, tu viens d’avaler un papier ! — s’écrie soudain le capitaine Martin s’élançant, mais trop tard, sur le jeune Rodin, qui, un instant auparavant, venait de porter vivement à sa bouche l’une de ses deux mains jusqu’alors cachées sous son sarrau ; mais un