Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/104

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de celles qui depuis quarante jours ensanglantent la capitale, et auxquelles, il faut l’avouer, Robespierre est complètement étranger, puisque depuis cette fameuse séance de prairial, il a très-rarement assisté aux délibérations du comité de salut public, moins encore à celles de la Convention ; mais, en revanche, il a constamment présidé le club des Jacobins, où il compte probablement trouver un point d’appui pour ses projets ultérieurs. Tels sont les précédents de la séance d’aujourd’hui, dont le discours de Robespierre est l’événement capital.

FOUCHÉ, riant. — Capital est le mot, puisque Maximilien, comme en prairial, demande derechef nos pauvres têtes !

TALLIEN. — Nous saurons, mordieu ! les défendre.

DURAND-MAILLANE. — Il serait, je crois, opportun de relire les passages les plus significatifs du discours prononcé aujourd’hui par Robespierre, et que l’un de nos amis a sténographié. De l’ensemble de ce discours il ressort évidemment ceci : que Robespierre, effrayé de la recrudescence de la terreur, à la continuation de laquelle il se montrait déjà si opposé avant prairial, et qu’il regarde comme funeste à la république, veut tenter de nouveau un coup décisif contre les terroristes. Voici, à ce sujet, les points explicites de son discours. (Il tire de sa poche un papier, et lit.)

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« La contre-révolution est dans toutes les parties de l’économie politique. Les conspirateurs nous ont précipités malgré nous dans des mesures violentes, que leurs crimes seuls ont rendues nécessaires. Ce système était l’ouvrage de l’étranger, qui l’a proposé par l’organe vénal des Chabot, des Lhuillier, des Hébert et tant d’autres scélérats. Il faut tous les efforts du génie pour ramener la république à un régime naturel et doux ; cet ouvrage n’est pas encore commencé ; Laissez flotter un moment les rênes de la révolution, vous verrez le DESPOTISME MILITAIRE S’EN EMPARER, RENVERSER LA REPRÉSENTATION NATIONALE AVILIE [1] ; un siècle de guerres civiles et de calamités désolera notre patrie, et nous périrons pour n’avoir pas voulu saisir un moment marqué dans l’histoire des hommes pour fonder la liberté ; oui, nous livrerons notre patrie à des calamités sans nombre, et les malédictions du peuple s’attacheront à notre mémoire, qui devait être chère au genre humain ! Nous n’aurons pas même le mérite d’avoir entrepris de grandes choses

  1. Quelle étonnante prophétie… si l’on songe au 18 brumaire !