Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/111

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française, ce qui est immoral est impolitique, — ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. — La faiblesse, les vices, les préjugés sont le chemin de la royauté. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

TALLIEN. — Et ce chemin-là, nous le reprendrions grand train, afin d’échapper à cette rogue et bilieuse république faite à ton image, ô vertueux Maximilien !

LE JÉSUITE. — Vous, échapper ! Oh ! que non point ! L’on n’échappe pas ainsi à ce trop vertueux scélérat. Écoutez plutôt. (Il lit.) « Si le ressort du gouvernement populaire pendant la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur, — la vertu, sans laquelle la terreur est funeste, la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. — La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible : elle est donc une émanation de la vertu ; — elle est moins un principe particulier qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux inexorables nécessités du salut de la patrie. » (Le jésuite, cessant de lire.) Donc, nous voici dûment édifiés sur la philosophie morale de la république jacobine ainsi raisonnée : « Point de terreur sans vertu, mais pas de vertu sans terreur. » En d’autres termes, les incorruptibles, les purs, les désintéressés ont le droit, au nom des vertus civiques dont ils donnent l’exemple, d’employer la terreur pour forcer les corrompus, les cupides, les jouisseurs, d’être vertueux ; faute de quoi, on leur coupe la tête. Donc, vu les circonstances où nous sommes aujourd’hui, 8 thermidor, de deux choses l’une : ou la république des jacobins et de Robespierre triomphera demain, 9 thermidor, et vous serez, vous, Fouché, vous, Tallien, et vos amis Carrier, Collot-d’Herbois et autres, envoyés au vasistas, sous le prétexte que vous ne vous êtes montrés que médiocrement vertueux dans l’exercice de vos proconsulats ; ou bien Robespierre et les jacobins seront renversés, puis guillotinés : en ce cas, les jouisseurs, les corrompus gouvernent la république. Mais un pareil état de choses ne dure point ; et tôt ou tard, plus tôt que plus tard, ainsi que l’a dit excellemment Robespierre dans son discours d’aujourd’hui, rappelez-vous ces paroles : « Laissez flotter un moment les rênes de la révolution, vous verrez le despotisme militaire s’en emparer, renverser la représentation nationale avilie ; un siècle de calamités et de guerres désolera notre patrie. » Or, vous êtes des hommes de trop de bon sens, et surtout des lurons trop amoureux d’une vie facile, opulente et libre pour vous exposer à subir le despotisme militaire, ou pour vous embarquer dans de nouveaux bouleversements,