Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/117

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RODIN. — Dans la salle, dans les tribunes se sont élevés des cris frénétiques en faveur du monstre. Les uns criaient : « — Nous te défendrons au péril de notre vie, Maximilien ! » D’autres : « — Il faut marcher sur la Convention, en chasser les scélérats ! »

TALLIEN. — Et Robespierre, qu’a-t-il répondu à ces cris ? 


RODIN. — Il a fait signe qu’il voulait parler. Ces forcenés ont fait silence et il leur a dit : « — Citoyens ! pas d’attentat contre la représentation nationale. Si vous voulez agir, agissez comme au 31 mai. Que la seule pression de l’opinion publique, manifestée avec calme et dignité, oblige la Convention à s’épurer elle-même, séparer les méchants des hommes faibles. Qu’elle rejette de son sein les scélérats qui l’oppriment ; que la manifestation du vœu populaire sauve encore une fois la liberté, comme au 31 mai ; et, si, malgré ces derniers efforts, il nous faut succomber, eh bien, mes amis, vous me verrez boire la ciguë avec calme, et alors… »

DESMARAIS. — Il revient toujours à ses pensées de mort ; il se sent perdu ; il faut…

FOUCHÉ. — Laissez donc achever mon petit calottin. Je raffole de lui. (À l’enfant.) Et alors, disais-tu ? 


RODIN. — Et alors, Robespierre ayant déclaré qu’il boirait la ciguë avec calme, un représentant du peuple d’une très-laide figure, et qui a une grosseur à la joue…

TALLIEN. — C’est David !

RODIN. — Oui, j’ai entendu le nommer ainsi autour de moi : ce David s’est donc élancé à la tribune et, pressant comme un furieux Robespierre contre sa poitrine, il s’est écrié : « — Maximilien, si tu meurs, je mourrai avec toi !… — Nous aussi, nous aussi, nous mourrons tous avec toi, Robespierre ! » ont hurlé ces enragés dans la salle et dans les tribunes. La brigande qui me tenait sur ses genoux hurlait aussi fort que les autres, en vraie diablesse qu’elle était, et, par parenthèse, le hasard m’a fait connaître le nom de cette furie : elle se nomme la citoyenne Marchais, et demeure rue Saint-Sauveur, n° 17. Ça peut servir à la faire arrêter, si besoin est.

FOUCHÉ, ravi, pinçant l’oreille de Rodin. — Affreuse petite canaille ! Il est adorable, ce petit cafardeau. Je l’adopte !

LE JÉSUITE. — Adopter mon fillot ! ouais ! Oh ! que non point : il sera la consolation de mes vieux jours. (À Rodin.) Et comment s’est terminée la séance du club des Jacobins ?

RODIN. — Elle a fini par le tapage que je dis. Tout le monde est sorti, les uns criant : « — Nous mourrons avec toi, Robespierre ! »