Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/127

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de mort retentissent contre Maximilien. La sonnette du président domine enfin le tumulte ; et Collot-d’Herbois répond à Robespierre : — « Tu n’auras la parole qu’à ton tour. »

VOIX NOMBREUSES. — « Non ! non ! À bas le dictateur ! Nous ne voulons pas qu’il parle ! »

ROBESPIERRE, épuisé. — « Mais c’est infâme, j’ai… le… droit… de… » (Il ne peut achever ; sa voix affaiblie expire sur ses lèvres.)

GARNIER (de l’Aube). — « Le sang de Danton l’étouffe ! »

ROBESPIERRE, faisant un dernier effort que lui arrache l’indignation. — « C’est donc Danton que vous voulez venger ! »

LOUCHET. — « Je demande le décret d’arrestation contre Robespierre ! »

En ce moment décisif, solennel, la majorité républicaine de la Convention éprouve par instinct, malgré elle, une hésitation suprême. Oui, malgré le détestable vertige de fureur où la jetaient la jalousie, la haine et surtout l’effroi que lui causent les menaces contre les représentants qui déshonorent l’Assemblée, menaces laissées si malheureusement inexpliquées la veille par Robespierre, la majorité républicaine de la Convention sent que le décret d’arrestation sans aucun motif, sans même formuler d’accusation contre lui et sans vouloir même l’entendre, est non-seulement commettre une iniquité monstrueuse, mais que c’est porter un coup irréparable, mortel à la révolution ; aussi la motion de Louchet n’est d’abord appuyée que par les applaudissements de la droite, qui voulait perdre la république, et par quelques acclamations frénétiques, poussées par les Tallien, les Fouché, les Fréron, les Carrier, les Barère et autres corrompus et scélérats, ceux-là seuls ayant un intérêt personnel et immédiat à la chute de Maximilien et à étouffer sa voix, puisqu’il devait, ainsi que Saint-Just, dans cette séance même, expliquer un malentendu fatal, rassurer les honnêtes gens, et déclarer qu’il ne demandait que l’accusation des terroristes couverts de crimes. Billaud-Varenne lui même, et quelques partisans de la terreur, irréprochables comme lui, mais, comme lui aussi, aveuglés par leur jalousie féroce contre Robespierre et par leur folle crainte de le voir s’élever à la dictature, Billaud-Varenne lui-même, revenu pendant un moment à son bon sens politique, hésitait à appuyer la motion de Louchet, après avoir, l’un des premiers, engagé cette lutte à mort. Tallien et ses complices, remarquant l’irrésolution de la majorité, se voient perdus s’ils laissent à Robespierre le loisir de la rassurer en s’expliquant ; ils courent de banc en banc, s’écriant : — « Le combat