Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que nos ennemis la foulent indignement aux pieds ; je voulais, à l’exemple de Marat, comparaître devant le tribunal révolutionnaire. S’il eût prononcé mon acquittement, les scélérats de la Convention étaient confondus et les honnêtes gens triomphaient ; dans le cas contraire, si l’on eût prononcé mon arrêt de mort, j’aurais bu la ciguë avec calme. Mais j’ai dû céder à la marche des événements, j’en accepte maintenant la solidarité. Le comité d’action est constitué, j’accepte sa présidence…

COUTHON. — Je demande la parole.

ROBESPIERRE aîné. — Tu as la parole.

COUTHON. — Je propose de rédiger immédiatement une proclamation au peuple et à l’armée.

ROBESPIERRE aîné. — Au nom de qui sera faite cette proclamation ?

SAINT-JUST. — Au nom de la Convention. Elle est partout où nous sommes.

Saint-Just vient de prononcer ces paroles, lorsque la porte de la salle s’ouvre soudain, et le général Henriot, pâle, éperdu, ses habits en désordre, se précipite vers les membres du conseil en s’écriant :

— J’ai pu m’échapper de prison ! Léonard Bourdon et Barras seront ici dans un instant, à la tête de la force armée. Tout est perdu. (Courant vers la fenêtre.) Voyez, voyez, les troupes de la Convention ont envahi la place de l’Hôtel-de-Ville !

Les membres du conseil de la commune et les représentants du peuple se lèvent et s’entretiennent avec animation. Coffinhal, agent national de la commune, homme violent, d’une taille et d’une force herculéennes, exaspéré contre Henriot, à l’incapacité et à la fatale ivresse duquel il attribue en partie la funeste issue de la journée, s’est vivement rapproché de la fenêtre, voit en effet les troupes conventionnelles envahir la place de l’Hôtel-de-Ville, saisit Henriot à la gorge, en s’écriant : — Misérable ! c’est toi qui as tout perdu ! — Et ne pouvant maîtriser sa fureur, Coffinhal use de sa force athlétique, étreint Henriot à bras-le-corps, le soulève et le jette par la fenêtre.

Léonard Bourdon et Barras, délégués par la Convention et escortés d’une cinquantaine de gendarmes armés de pistolets et de mousquetons, font irruption dans la salle ; les soldats mettent en joue les membres du conseil de la commune et les cinq représentants du peuple ; tous restent debout, calmes, intrépides, bravant la mort.


LÉONARD BOURDON. — Gendarmes, fusillez-les s’ils bougent. Ces scélérats sont hors la loi !